En détention depuis plus de dix mois, le général à la retraite Hocine Benhadid a été libéré hier en fin de matinée. Une information qui s'est répandue comme une traînée de poudre, avant que la famille et les avocats ne la confirment. Agé de 70 ans, traînant de lourdes maladies, dont une tumeur maligne, le général Benhadid souffrait le martyre depuis sa mise sous mandat de dépôt, le 1er octobre 2015. Son arrestation musclée, sur l'autoroute, par une escouade de gendarmes guettant son passage, est intervenue à la suite de sa déclaration sur les ondes d'une web-radio, que le juge a qualifiée d'«entreprise de démoralisation des troupes de l'armée et d'atteinte à corps constitué», des faits passibles du tribunal criminel. Introduites par ses avocats, les neuf demandes de mise en liberté provisoire ont essuyé un refus, malgré la détérioration de son état de santé. Samedi dernier, lors d'une conférence de presse, son collectif d'avocats a mis en garde contre ce qu'il a qualifié de «mort programmée» du général à la retraite, tout en dénonçant «l'absence d'acte de procédure» durant les dix mois de sa détention provisoire. Mes Khaled Bourayou, Bachir Mechri et Mustapha Bouchachi ont «tenu pour responsable» le ministre de la Justice, en disant : «Si quelque chose arrive à Benhadid, nous poursuivrons le ministre de la Justice pour homicide volontaire.» Très lourde, la déclaration intervient 48 heures avant la première séance de chimiothérapie, prévue au Centre Pierre et Marie Curie à l'hôpital Mustapha, à Alger. Une rude épreuve dont les conséquences sur la santé sont imprévisibles, à plus forte raison, lorsque le malade est en prison. Dimanche, en fin de journée, alors que personne ne s'y s'attendait, le juge décide de requalifier les faits pour lesquels Benhadid est poursuivi. Désormais, il n'est reproché à ce dernier que l'outrage à corps constitué, un délit qui relève du tribunal correctionnel. De fait, la détention tombe. Une ordonnance de sa mise en liberté provisoire est signée. Le lendemain, il quitte la prison d'El Harrach, après une longue détention que ses avocats jugent «arbitraire». Dimanche soir, le juge de Sidi M'Hamed crée la surprise Hier, avant qu'il ne soit libéré, un de ses avocats, Me Bachir Mechri, a lancé son ultime message aux plus hautes autorités, ciblant particulièrement le vice-ministre de la Défense et chef de l'état-major de l'Anp, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah. Tout en dénonçant «le caractère arbitraire de cette affaire, sans aucune plainte ni partie civile», l'avocat, exige «la libération» de Benhadid, «ou dans le pire des cas, son transfert à l'hôpital militaire de Aïn Naadja, pour lui garantir les meilleures conditions de soins». Visiblement, la santé du général à la retraite s'était sérieusement détériorée et rien n'indiquait que le juge du tribunal de Sidi M'hamed, allait créer la surprise en répondant favorablement aux doléances, combien légitimes, de sa famille et de ses avocats. «Les nombreuses violations» de la procédure décriées par son collectif de défense, depuis son arrestation sur l'autoroute, laissent transparaître une volonté délibérée de sanctionner le général pour les propos qu'il a tenus sur les ondes de la web-radio et, à travers lui, faire taire toute voix discordante parmi les militaires à la retraite. L'on se rappelle les conditions dans lesquelles Benhadid avait été arrêté et qui renvoient à un véritable guet-apens organisé par des gendarmes. Il était sur le chemin vers sa maison. C'était mercredi 30 septembre. Son véhicule a été stoppé net sur la route, pour être dirigé avec une brutalité inouïe vers la brigade de Bab Jdid. Il ne sera présenté au parquet de Sidi M'hamed que tard dans la nuit et placé sous mandat de dépôt, par le juge, le 1er octobre, sans aucune plainte préalable. La première demande du permis de communiqué introduite par ses avocats est refusée, alors qu'il avait un besoin urgent de ses médicaments. Me Mechri dénonce «l'acharnement» et affirme que dans tous les systèmes de droit qui se respectent «les justiciables de plus de 65 ans sont poursuivis en dehors de la prison en raison de leur âge et de fait de leur santé. Le général a non seulement plus de 70 ans, mais il présente toutes les garanties pour se conformer aux décisions de la justice et être à sa disposition à chaque fois que cela est nécessaire. Pourquoi donc le placer en détention et prendre le risque que sa santé se détériore ?» souligne Me Mechri. Ironie du sort, l'affaire Benhadid tombe le lendemain d'un long plaidoyer public du ministre de la Justice, Tayeb Louh, pour le respect de la présomption d'innocence et des libertés individuelles souvent foulées aux pieds par des magistrats vulnérables aux pressions et intimidations du pouvoir exécutif. «Des mentalités qu'il va falloir changer», avait-il martelé. Le message n'a malheureusement pas été entendu, puisque le lendemain, Benhadid était arrêté dans des conditions qui frisent l'hérésie puis placé sous mandat de dépôt et maintenu en détention durant huit longs mois, sans aucun acte de procédure. Libéré hier, il devra attendre un procès dont on ignore la date.