A chaque pays son petit souci. Celui de la Chine est exclusif. Elle souhaite depuis deux ans ralentir le rythme effréné de sa croissance économique. Pourquoi ? Parce que la croissance à deux chiffres des dix dernières années – encore 10,7% en 2005 – est devenue une centrifugeuse folle qui produit des bulles spéculatives, des tensions monétaires et des abîmes d'inégalités sociales. Conséquence, une baisse du taux de croissance est une bonne nouvelle aux yeux de Pékin. C'est ce qui s'est produit jeudi dernier avec l'annonce du bureau national des statistiques du chiffre de l'évolution du PIB au troisième trimestre de l'année 2006 ; 10,4% contre 11,3% pour le second semestre de l'année, chiffre qui avait provoqué une panique chez les autorités chinoises hantées par le spectre d'une surchauffe de l'économie. Des mesures de restrictions macroéconomiques ont été prises et semblent avoir contribué à ralentir quelque peu les investissements. Parmi ces mesures ont figuré notamment deux hausses des taux d'intérêt, deux du ratio de réserves obligatoires et des restrictions sur les investissements immobiliers, le tout pour freiner le surinvestissement, les phénomènes de bulles et de surproduction. Mais que cette baisse paraît se dérouler sur des hauteurs stratosphériques ! L'objectif de croissance vertueux fixé par Pékin pour 2006 était de 8%. Ce sera raté et de beaucoup. Le problème demeure donc entier. On investit trop en Chine et rien ne garantit que cela ne va pas être le cas pendant longtemps tant l'économie chinoise a pris goût à la croissance quantitative. Les investissements ont crû de 24,2% sur un an au 3e trimestre et de 27,3% de janvier à septembre, contre 29,8% au premier semestre. Une fois de plus, le ralentissement des investissements est « précaire » sur ces cimes vertigineuses. Les analystes étrangers restent sceptiques sur la capacité de la Chine à calmer sa frénésie d'investissement et à faire passer le moteur de la croissance des investissements et des exportations vers la demande interne et la consommation comme le souhaite le bureau politique du parti communiste. Il faut bien tout de même parvenir à un atterrissage en douceur de la fusée chinoise. C'est depuis quelques années un enjeu économique planétaire. L'aspirateur géant en investissements de la Chine rend la croissance atone dans beaucoup de régions dans le monde. Il redessine les flux d'affaires de manière déstabilisante. Les exportations astronomiques qui en naissent font des dégâts dans le tissu industriel mondial. La demande galopante de matières premières, en premier lieu d'hydrocarbures, chamboule les données géopolitiques et pousse à des guerres ouvertes pour l'accès aux sources d'approvisionnement. Un consensus mondial est en train de naître pour le refroidissement du réacteur de croissance chinois. Les Américains et les Européens réclament une réappréciation du yuan, la monnaie chinoise jugée artificiellement maintenue basse pour soutenir les exportations. Les autres pays émergents se protègent à nouveau des produits chinois les plus agressifs pour leurs producteurs locaux. Les écologistes, mais pas seulement eux, hurlent à la catastrophe environnementale que signifie un rattrapage du niveau d'émissions polluantes américaines par les Chinois dans 25 ans au rythme où va la croissance de ce pays. Les raisons de mettre un filtre sur l'activité chinoise ne manquent donc pas. Mais aucune ne semble suffisamment forte pour faire descendre le vaisseau sur terre. Aucune sauf peut-être l'explosion d'une première bulle qui entraînerait de la casse en cascade. Le plus grand scandale des dix dernières années enfle à Shanghaï ou un fonds d'investissement majeur est accusé d'avoir détourné 400 millions de dollars pour financer des investissements immobiliers illégaux. Une banqueroute en série ? Ce n'est pas le scénario rêvé pour calmer la Chine. Mais avec 10% de croissance que risque-t-on ?