Kamel Zouaoui n'est pas près de rendre la dernière copie. Dans le cadre du festival Off du théâtre, il donne au collège de la salle à Avignon le troisième volet de la trilogie consacrée à Dj'ha, revu selon sa propre philosophie humaniste d'acteur-conteur. «Moi sage, t'es fou !», pourrait presque être une ébauche d'autobiographie. Natif de Saint-Etienne, fils de mineur originaire de la région de Sétif, le comédien n'a, en effet, de cesse de remonter un fil invisible qui le ramène à lui. Après Nasredine le hodja, les pas sages d'un fou (2008), puis Nasredine le hodja n'est pas fou qui veut (2012), dans lequel il faisait l'éloge de la femme de Dj'ha, l'avantage du troisième volet est que le public se projette dans un imaginaire sans limite. L'histoire de Moi sage, t'es fou ! est celle de Farouk, le fils (créé de toutes pièces) de Nasredine el hodja (Dj'ha). Il vient d'avoir 16 ans, l'âge du mariage en ces temps immémoriaux qui appartiennent aussi au conte. Par tradition et par décret royal, il devra épouser Fissa (fille de Latifa la jalouse et du fainéant Mounir). En digne fils de son père, Farouk va tenter de changer «l'ordre établi»... sur fond de sagesse et malice y parviendra-t-il ? Tout est ici un biais pour rire et surtout réfléchir. Le succès de ses personnages irrésistibles est tel que Zouaoui aura arpenté nombre de pays autour de la planète, dont l'Algérie et surtout le Festival de Béjaïa. Uniquement pour cette année 2016, il est allé en Arabie Saoudite en mars, ce qui lui aura permis d'accomplir le rituel de la omra, heureux détour pour renforcer sa sagesse. Puis ce fut en avril, l'Espagne, et dans la foulée les îles de Vanuatu jusqu'en mai. Là, nous a-t-il confié, l'homme des Hauts-Plateaux a retrouvé un sens inconnu de la fraternité et de l'humanité, dont il fait sa recherche permanente, avec l'envie irrésistible d'y planter sa kheïma. Kamel Zouaoui, le Franco-Algérien, pétri de valeurs spirituelles, ne désarme pas de croire que le sort des humains peut sourire. Le flux circule dans le monde comme une énergie communicative et ça fait du bien. Peu importe alors qu'il utilise la ficelle de l'humour pour faire passer des messages, ce qui évite toute forme de crispation. Techniquement, Kamel Zouaoui innove en confiant la mise en scène à Jean Poirson, marionnettiste. C'est le fruit d'une rencontre positive au Off il y a quelques années. Pour le conteur, «sans dénaturer la spontanéité et la liberté du travail de conteur, Jean Poirson apporte à ce conte une intéressante forme de stylisation dans le jeu, provenant de sa pratique de la marionnette et du théâtre d'objets». Objet, cela rappelle la célèbre rime : «Objets inanimés, avez-vous une âme ?» Que répondre, sinon qu'une marionnette peut espérer à la vie... Mais Zouaoui a d'autres cordes à son arc. Son nouveau spectacle est déjà en route. Son titre : Regarde plutôt la mer, conte d'exil et d'universalité. Un condensé de ce qu'il est.