Cette fois encore, les jeux semblent faits, et même bien faits puisque le président brésilien sortant ne devrait éprouver aucune difficulté pour décrocher un second mandat. En tout état de cause et comme pour le premier tour, ce sont les sondages qui l'affirment avec beaucoup de certitude puisque le président Lula serait réélu avec environ 62% des voix. Ce qui a amené son adversaire, le social-démocrate Geraldo Alckmin à lancer une vive offensive contre lui vendredi soir lors du dernier débat télévisé à l'avant-veille de l'élection présidentielle, allant jusqu'à accuser Lula de vouloir privatiser l'Amazonie. M. Alckmin faisait une ultime tentative d'empêcher la réélection de Lula que les derniers sondages créditent de 62% des suffrages contre 38% à Alckmin au deuxième tour d'aujourd'hui. Il a accusé le président sortant d'avoir « privatisé l'Amazonie » en faisant passer une loi permettant à des entreprises privées brésiliennes et étrangères d'exploiter la forêt pour une période de 30 ans renouvelable pour la même durée. Lula a rétorqué en disant que cette loi avait été approuvée par le Parlement, donc par tous les partis, et qu'il « s'agissait de concessions et non pas de privatisation » pour empêcher « l'exploitation illégale » de la forêt. Il a souligné que la déforestation avait reculé de 30% l'an dernier en Amazonie. Les privatisations ont été l'une des principales critiques de Lula faite à Alckmin au cours des débats précédents. Lula a accusé le parti social-démocrate d'avoir privatisé de nombreuses compagnies (sous le gouvernement précédent) sans que l'argent de ces privatisations ait été réinvesti dans le pays. Les deux candidats se sont de nouveau affrontés sur les questions de corruption et les perspectives de croissance du Brésil. M. Alckmin a dit que les scandales de corruption au sein du Parti des travailleurs (PT) « avaient commencé dans le palais présidentiel du Planalto » et que le peuple était indigné car l'argent « passé dans la corruption manquait dans les hôpitaux et les écoles ». Lula, dont le mandat depuis quatre ans a été émaillé de scandales de corruption, a répliqué qu'« il n'y avait pas d'accusation qui ne fasse l'objet d'une enquête » sous son gouvernement alors qu'avant « on cachait la corruption sous le tapis ». Son rival a par ailleurs déploré la faiblesse de la croissance, accusant le gouvernement Lula de détruire l'industrie brésilienne en réaffirmant qu'il allait faire « baisser les impôts, les dépenses publiques et les taux d'intérêt afin que le Brésil croisse ». Lula a répondu qu'il avait reçu « un pays en faillite » et que maintenant l'économie « reposait sur des bases solides » et pouvait commencer une croissance soutenue. Lula avait été mis en ballottage lors de premier tour le 1er octobre, avec 48,6% des suffrages exprimés, contre 41,6 à son adversaire. Ce qui a surpris tous les analystes est la rapidité avec laquelle Lula semble avoir retrouvé une bonne partie de l'électorat qui l'avait boudé au premier tour, en raison du scandale provoqué à quinze jours du premier tour par la tentative d'achat d'un dossier anti-opposition par son Parti des travailleurs (PT). Après deux face-à-face télévisés contre Geraldo Alckmin, Lula semble devoir bénéficier d'un bon report des voix qui étaient allées au premier tour sur deux dissidents du PT : la sénatrice radicale Heloisa Helena (6,8% au premier tour) et l'ancien ministre de l'Education du premier gouvernement Lula, Cristovam Buarque (2,6%). Selon l'institut Datafolha, Lula a regagné des électeurs dans pratiquement tous les segments de l'électorat, que ce soit par revenu, par niveau de scolarité, par âge ou par sexe. Si l'on en croit les sondages, Alckmin pourrait même se retrouver avec moins de voix au second tour qu'au premier. Le président sortant a réussi à reprendre l'initiative politique dès le lendemain du premier tour en accusant son adversaire de vouloir privatiser les grandes entreprises publiques comme Petrobras (pétrole), Banco do Brasil, les Postes, et de mettre en péril l'emploi par une politique drastique de diminution des dépenses de l'Etat. Ces accusations ont mis Alckmin sur la défensive et ont permis de retirer le scandale du « dossiergate » du centre du débat politique. Le candidat Alckmin a été critiqué dans son propre camp pour s'être contenté de dénoncer ces accusations comme autant de « mensonges » et ne pas avoir défendu le bien-fondé des privatisations effectuées du temps du président social-démocrate Fernando Henrique Cardoso (1995-2002). L'un des artisans des privatisations effectuées sous la présidence de Fernando Henrique Cardoso, l'ex-ministre des Communications Mendonga de Barros a même reproché à Alckmin d'avoir « manqué de courage » face aux accusations de Lula et du PT. Cette fois encore, Lula dispose d'une marge suffisamment confortable pour faire oublier le premier tour lors duquel, les suffrages avaient tout simplement démenti les sondages. Une bonne leçon en politique, mais ce n'est pas une règle. Lula le sait. Ses adversaires également.