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«L'islam de France, une arlésienne»
Dalil Boubakeur. Recteur de la Grande Mosquée de Paris
Publié dans El Watan le 03 - 09 - 2016

Dalil Boubakeur est recteur de la Grande Mosquée de Paris depuis 1992. D'origine algérienne («qui est mon pays», aime-t-il à dire), l'homme, connu en France pour sa modération, est venu ce week-end en Algérie pour assister — en compagnie de deux cadres du ministère français de l'Intérieur et du Culte — à la sortie d'une promotion d'une quarantaine d'imams et une vingtaine de mourchidate qui vont officier dans des mosquées en France. Ces imams poursuivront également des formations dans des universités françaises.
Dans cet entretien, le recteur a donné son avis sur la situation de l'islam en France ; mais il s'est également exprimé, pour la première fois, sur la polémique qui a enflé en France autour de l'interdiction du burkini dans ce pays et sur la création de la Fondation pour l'islam de France que préside l'ancien ministre socialiste, Jean-Pierre Chevènement.
- L'Algérie forme des imams qui vont officier en France. Où en est cette opération ?
J'ai tenu à participer, moi-même, à la réception de la quarantaine d'imams formés en Algérie. Des directeurs centraux français ont également pris part à la cérémonie. Selon les accords de l'année dernière, il est question que ces imams aient des notions de la langue française, des notions de la vie en France, de la laïcité, du droit des religions en France. C'est une formation conduite par le ministère (algérien des Affaires religieuses) et la Mosquée de Paris.
Le ministère (de l'Intérieur et du Culte français, ndlr), avec ses collaborateurs et enseignants, voudrait que les imams comprennent le droit et la réalité des conditions de travail pour un imam en France, les associations, les fidèles, les discours, la khotba, etc. Les imams ne doivent pas se mêler de politique. Ils ont pour mission de propager un islam de paix, un islam ouvert à tous ; pour les jeunes et les femmes (des mourchidate sont du voyage). Ils écumeront les moquées en France, là où il y aura des manques.
- Pensez-vous que l'Algérie est le pays idéal pour la formation de ces imams ?
L'Algérie a une longue tradition et des années de rapports cordiaux avec la France. Et si l'Algérie connaît la France, la France connaît également l'Algérie. La France connaît la qualité des professeurs de ce pays, l'islam qui est pratiqué dans ce pays et ses institutions ; puisque la Grande Mosquée de Paris a été créée ici même à Alger et non à Paris. L'islam pratiqué en Algérie est un islam modéré, du juste milieu. C'est cet islam pratiqué par une majorité de musulmans vivant en France, puisque la communauté algérienne est de loin la communauté musulmane la plus représentée en France.
- Mais 40 imams, est-ce suffisant ?
Bien sûr que c'est insuffisant. Il existe environ 2000 mosquées en France. Mais nous n'avons pas les moyens de les pourvoir toutes. Cependant, il y a déjà des imams qui travaillent sur place. Ceux-là ne font pas de bruit, contrairement à certains autres qui se sont improvisés imams et dont on ne connaît ni l'origine ni la formation.
- Franchement, avec tous les événements en France et notamment la percée de courants radicaux, n'avez-vous pas le sentiment que la Mosquée de Paris est inaudible ?
Pas du tout. Nous avons des milliers de visiteurs qui viennent. Lors des fêtes religieuses, nous recevons des dizaines de musulmans. Nous avons entamé, depuis longtemps, la diffusion d'un islam de tolérance et du juste milieu ; un islam algérien, maghrébin. Mais vous n'entendrez jamais parler de cela. Dès qu'un nervi commet un attentat ou un acte de violence, tous les médias et les politiques s'emparent de l'événement.
Puis, il ne faut pas oublier que l'islam est la religion de France qui bénéficie le moins d'institutions et de moyens. Ce n'est qu'en 1999 que les Français ont commencé à entendre parler de la fonction d'imam, par exemple. Personne, en dehors des musulmans, ne connaissait cela auparavant. Les courants radicaux, le wahhabisme et le salafisme, occupant actuellement le terrain, ce n'est que maintenant que les responsables commencent à évoquer ces questions.
A cela, il faut ajouter un élément fondamental : en dehors d'une partie de la droite républicaine (Chirac, Sarkozy…) qui a toujours affiché une volonté de travailler avec nous, les autres partis politiques préfèrent soit ne pas en parler, soit s'associer exclusivement avec le régime marocain dont le roi finance des mosquées et des associations. Cela a porté préjudice à notre action. Ce qui ne nous empêche pas de continuer à produire des brochures, des journaux et à organiser des conférences et des débats. C'est ce que nous avons toujours fait.
- L'Etat français a mis en place, à plusieurs reprises, des organismes. Après le Conseil français du culte musulman (CFCM), voilà qu'on annonce la création de la Fondation pour l'islam de France. Où vous situez-vous dans tout cela ?
Je dois dire que nous n'avons pas été consultés. Nous aurions aimé que celui qui coordonne ce travail soit issu de la communauté musulmane (c'est l'ancien ministre de l'Intérieur, le socialiste Jean-Pierre Chevènement qui préside cette institution, ndlr). Ce n'est malheureusement pas le cas.
C'est d'ailleurs pour cela que je n'ai assisté à aucune des réunions qui se sont tenues sur le sujet. Malgré cela, le ministre de l'Intérieur insiste pour que je fasse partie de la Fondation (Dalil Boubakeur est désigné président du conseil d'orientation chargé de repérer les projets qui seront financés par la future Fondation pour l'islam de France, ndlr). Pourtant, les autorités peuvent trouver matière à travailler avec des représentants de l'islam modéré, surtout que nos relations avec les Marocains ne sont pas du tout mauvaises, bien au contraire.
La question qu'il faut se poser est celle de savoir si ce nouvel organisme aura plus de moyens, plus d'argent. On ne peut pas trouver de solution à un problème aussi énorme si l'on n'a pas suffisamment d'argent pour sensibiliser, construire des mosquées ou payer des imams et autres intervenants. Et encore ! Des aumôniers perçoivent des traitements de misère par rapport à ceux d'autres communautés religieuses.
- Mais les autorités et les politiques disent que c'est à vous, représentants de la communauté musulmane, de vous organiser. Or, les déchirures sont visibles…
Soit ! Nous pouvons et nous devons nous organiser. Cela se met doucement en place. En même temps, l'Etat doit jouer son rôle, celui d'appliquer la loi et d'imposer la laïcité. Or, cela fait des mois, voire des années que les autorités parlent de l'application des lois sans que cela se traduise dans les faits. Sur une centaine de mosquées ou salles de prière signalées «S» (de sûreté, qui signifie qu'elles sont porteuses de danger sur le plan sécuritaire, ndlr), seules une dizaine sont fermées. Elle est où la volonté politique dont on parle ? Là, on dit clairement ce qu'on ne fait jamais.
- Beaucoup de voix s'élèvent pour plaider l'avènement d'un «islam de France». Cela est-il possible ?
Un islam de France est une arlésienne. Il existe un seul islam. Il est valable partout. Il se trouve que ce culte est le deuxième de France. Par contre, il y a lieu d'expliquer que nous pouvons pratiquer un islam de notre temps. Un islam de paix, de tolérance et non celui de la violence. Le rite malékite a toujours été une religion de paix, de compromis. Nous pouvons véritablement rappeler aux jeunes qu'ils peuvent vivre leur religion tout en adoptant le mode de vie de leur temps.
- Une polémique a récemment déchiré la France à propos notamment du burkini. Vous avez visiblement évité de participer au débat. Pourquoi ?
Dans un premier temps, j'ai préféré attendre la décision du Conseil d'Etat (la haute juridiction administrative française a annulé un arrêté municipal interdisant le port du burkini, ndlr). Il a rétabli la justice et placé les choses dans leur contexte. Mais dans le fond, en quoi le port du burkini peut gêner les gens ? En quoi un burkini peut assurer une femme d'aller au Paradis ? Je pense que la polémique est inutile. Il faut éviter d'ajouter de l'huile sur le feu. Il est temps que le gouvernement mette fin à cette crise qui n'en est pas une.
Admettons que la burka, le burkini et le hidjab soient des vêtements qui ne plaisent pas à la société française, il aurait fallu être clair dès le départ et dire ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas. Mais, non seulement il n'y a pas eu de scandale, ce phénomène (de l'habit islamique) est répandu en Angleterre, en Allemagne ou dans le monde musulman, ces vêtements existent. En quoi cela gêne ? Pourquoi désigne-t-on, à chaque fois l'islam ? Il ne s'agit pas de la religion.
Cela relève de la liberté individuelle. Chacun est libre de s'habiller comme il veut. Une femme qui porte le burkini, c'est comme l'Indienne qui met le sari, le moine qui met la soutane ou le sikh qui met le dastar. C'est stupide. Ce sont de faux débats comme on en aime tant dans la société française. Les gens ont d'autres problèmes qui, eux, sont sérieux : l'économie en crise, le chômage, la situation des banlieues, la détresse des jeunes…


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