Les premières réactions à la censure du film Vote Off, de Fayçal Hammoum, par la commission de visionnage, dont les membres sont désignés, pour la précision, par arrêté du ministre de la Culture, se font jour. Elles s'expriment à partir de Béjaïa. Plusieurs voix se sont élevées contre cette interdiction, saisissant l'occasion d'un débat ouvert à l'occasion des 14es Rencontres cinématographiques (RCB) à la même heure programmée pour la projection annulée de Vote Off. Pour rester légalistes et éviter les répercussions négatives sur l'association et les RCB, les organisateurs se sont soumis à la décision d'annulation mais ont convenu de maintenir le rendez-vous pour donner la parole au public venu pour discuter de cette censure et des conditions de la création artistique en Algérie. L'absence du réalisateur, pourtant annoncé, a laissé sur sa faim plus d'un. La rencontre est maintenue pour «pouvoir discuter de manière apaisée», dit Lilia Aoudj, directrice artistique des Rencontres. «Au public, nous devons la vérité», explique, de son côté, Abdenour Houchiche, président de Project'heurts, dont la correspondance-recours adressée au ministère est restée sans suite. Selon lui, la loi de 2001 appliquée sur Vote off évoque le «visa d'exploitation» exigé aux films destinés à une exploitation commerciale, ce qui n'est pas le cas dans les RCB. «Le visa culturel n'existe pas dans la loi, mais il est évoqué dans la correspondance du ministère», a-t-il expliqué au public nombreux, furieux et excédé par cette censure. «Un coup de massue sur la tête», l'a qualifié une des nombreuses femmes présentes dans la salle. «Je ne suis pas étonné, ni choqué, mais écœuré par cette énième tentative d'étouffer l'activité culturelle», s'élève une autre voix dénonciatrice, faisant comprendre que les pouvoirs publics sont dans leur rôle habituel. «Ils ont peur de l'artiste et de la vérité», charge un cinéphile. Certains ont demandé à projeter le film malgré tout en faisant fi de l'interdiction que les grandes ouvertures que permettent les réseaux sociaux rendent désuète et insensée. «Il y a YouTube», suggère un enseignant universitaire. «On peut le projeter sur écran plasma dans un espace privé», propose une journaliste. «Il y a les sièges des partis politiques», ajoute un militant associatif. De telles décisions de projection restent, toutefois, du ressort du réalisateur et du producteur. Les dénonciations ont été telles que des présents, outré par le «pouvoir de l'argent» et le chantage qui s'exerce de son fait, sont allés jusqu'à proposer de refuser les subventions de l'Etat, qui ne sont autres, pourtant, que l'argent des contribuables. «C'est l'argent des Algériens», répond, à juste titre, l'organisateur. D'aucuns ont appelé à préserver ces espaces. «Le pouvoir redouble d'efforts et d'ingéniosité pour nous fliquer… Pourquoi, nous ne redoublons pas d'effort et d'ingéniosité pour trouver les moyens de contrecarrer ces tentatives», suggère un jeune écrivain. Cette atteinte à la liberté d'expression remonte à la surface les souvenirs des tentatives du Fis dissous de fermer la salle du répertoire de la Cinémathèque à BBA, comme à Batna. «Des bus remplis de défenseurs de la culture ont démarré d'Alger et de Béjaïa vers BBA», rappelle un ancien directeur de théâtre. «Il n'y a pas de création sans liberté, il faut qu'on l'affirme et qu'on revendique cette liberté», clame-t-il. Cette revendication et d'autres sont réaffirmées dans une déclaration proposée par un groupe d'intellectuels et militants, adoptée et signée par l'assistance, qui réclame la levée de cette censure de trop. «Nous nous estimons suffisamment conscients et mûrs pour apprécier une œuvre quelle qu'elle soit et refusons ce paternalisme désuet et absurde», conclut la déclaration.