Seul film en langue amazighe programmé aux 14es Rencontres cinématographiques de Béjaïa (RCB), Je te promets du jeune réalisateur bougiote Mohamed Yergui a intéressé un public nombreux. Ce court-métrage de 17 minutes est un pur produit bougiote, tourné totalement à Béjaïa et avec des comédiens de la région. L'histoire invite à réfléchir sur la condition féminine, mais aussi sur le poids d'une tradition injuste à l'égard de la femme. Un frère et une sœur, Allili et Baya, ont grandi ensemble dans un village kabyle, au sein d'une famille pauvre qui ne peut se permettre de scolariser qu'un seul de ses deux enfants. Le sacrifice est porté inexorablement sur la fille. Le père en a décidé ainsi. Soumise à la tradition et au poids de la société patriarcale, la jeune fille se consacre à son frère. Elle lui tend un livre et l'exhorte à étudier pour lui et pour elle. Lorsque, adulte, elle possède des bijoux, elle les lui offre pour lui permettre de poursuivre des études aux Beaux-Arts. Le frère, attentif et affectueux, lui promet qu'un jour il l'emmènera au mont Gouraya d'où elle pourra contempler son village au loin. La promesse est le fil d'Ariane pour cette fiction qui allie esthétique et aspect anthropologique, qui met en valeur les us et coutumes kabyles. Le film débute par l'arrivée au pays, un sac à la main, d'un jeune homme. Le rôle est joué par Farid Oukala, comédien et metteur en scène originaire de Béjaïa et installé à Toulouse, qui s'est déjà produit au Festival international du théâtre de Béjaïa avec une adaptation de La Terre et le sang de Mouloud Feraoun. En empruntant les chemins qui montent vers son village natal, sa randonnée pédestre de ces montagnes altières s'accompagne de souvenirs de sa jeunesse qui reviennent en flash-back pour lui rappeler sa sœur qui l'appelait «dada Allili». Les séquences se déroulent sous la musique de Abdelaziz Yousfi (Bazou) qui s'adaptent à la majesté des montagnes des Ath Bimoune. Au village qu'il retrouve après des années d'absence, le jeune homme est accueilli par des obsèques émouvantes. Une jeune femme vient de décéder et ont vient le consoler… Mohamed Yergui signe par ce film un travail qui force le respect. Il n'en est pas à son premier court-métrage. Il a réalisé en 2007 Au bout du tunnel (Ad bin tifrat) qui a reçu l'Olivier d'or au Festival culturel national du film amazigh, et Houria la même année, un autre court-métrage, primé (Ahaggar d'or) au Festival du film arabe d'Oran. Le jeune réalisateur, que l'on considère «enfant des RCB» et qui poursuit d'un pas sûr son parcours dans le monde du cinéma, semble promettre, par son nouveau film, de ne pas s'arrêter en si bon chemin.