Une foule nombreuse a accompagné, hier en début d'après-midi, à sa dernière demeure, l'ancien officier de l'ALN et secrétaire particulier du colonel Amirouche, Rachid Adjaoud, inhumé au cimetière de son village natal, Tibouamouchine, dans la daïra de Seddouk, à quelque 60 km au sud de Béjaïa. Bien avant la levée du corps, qui a eu lieu vers 13h30, des moudjahidine en grand nombre, des figures du milieu politique et social ainsi que des citoyens anonymes ont tenu à faire acte de présence au domicile mortuaire pour présenter leurs condoléances à la famille, se recueillir et jeter un dernier regard sur la dépouille du défunt. Après avoir brillamment accompli sa part dans le devoir de libération de sa patrie les armes à la main, alors qu'il venait à peine de sortir de l'adolescence, Rachid Adjaoud a continué son engagement envers son pays, en occupant plusieurs postes de responsabilité à l'indépendance, notamment dans le domaine de la santé, en tant que directeur de l'hôpital d'Akbou, ou en tant que député, élu de la nation. Il s'est également investi dans l'écriture de l'histoire en rédigeant ses mémoires et ses souvenirs de la Révolution, dans un premier livre intitulé Le Dernier Témoin, publié en 2012. Rachid Adjaoud venait aussi de terminer la rédaction d'un autre livre qui va sans doute être incessamment publié par ses enfants à titre posthume. Beaucoup des présents à l'enterrement ont tenu à dire qu'à chaque fois qu'il était sollicité pour apporter son témoignage sur la Révolution à travers une conférence à des écoliers, des étudiants, un débat sur un plateau télé ou à la radio, Rachid Adjaoud répondait favorablement, jouant ainsi pleinement son rôle de témoin et d'acteur de l'histoire. Peu de gens savent qu'il a également été l'un des créateurs de la première radio algérienne, créée le 20 août 1958 à l'instigation du colonel Amirouche, comme a tenu à le rappeler son ancien compagnon et ancien ministre Abelhafid Amokrane dans un témoignage apporté à la fin de l'enterrement. A noter également la présence de l'ex-secrétaire général du FLN et ancien chef de gouvernement Abdelaziz Belkhadem, ainsi que de Mohcine Belabbes, président du RCD, accompagné de quelques membres de son staff. L'ancien député et membre fondateur du RCD et de la première Ligue des droits de l'homme en Algérie, Nordine Aït Hamouda, qui perd un ami personnel et l'un des derniers compagnons de son père, a livré à El Watan son témoignage sur le défunt : «Ma présence ici se justifie par le fait que Rachid Adjaoud a été, très jeune, très proche de mon père, en deuxième lieu, je l'ai bien connu et je peux dire que c'est lui qui m'a initié à l'histoire de la Wilaya III. La région et le pays tout entier vont le regretter car, contrairement à d'autres maquisards, c'est quelqu'un qui a consacré beaucoup de son temps à des conférences sur l'histoire de la Wilaya III. Il a ainsi initié la culture de la Révolution à tous les jeunes. Ils sont très rares les maquisards comme lui. Il est vrai qu'il avait un niveau, mais cela n'explique pas tout car des gens d'un niveau beaucoup plus élevé que lui ont vécu et sont morts sans avoir rien donné ou laissé. Lui, par contre a laissé des livres et des œuvres. Si on devait le définir en deux mots, je dirais que contrairement à beaucoup d'autres maquisards, lui était un bon vivant. Et puis c'est quelqu'un qui avait pris conscience qu'il était là, au bon moment de l'histoire, qu'il a eu la chance de connaître les grands hommes de ce pays. De plus, il n'avait aucune amertume. En conclusion, je dirais que Rachid Adjaoud était un brave.»