Prises en étau entre l'armée syrienne, les milices rebelles et autres groupes terroristes, les populations civiles vivent l'enfer à Alep. Interpellé par leur drame, le coordonnateur des secours d'urgence (OCHA) de l'ONU, Stephen O'Brien, a lancé hier un appel urgent pour que cessent les bombardements sur cette ville. Il a estimé que les civils syriens sont confrontés «à un niveau de sauvagerie qu'aucun humain ne devrait avoir à supporter». M. O'Brien a appelé à «une action urgente pour mettre fin à l'enfer sur Terre» pour les 250 000 personnes prises au piège. «Le système de santé dans l'est d'Alep a été presque réduit à néant», a déploré M. O'Brien, après que le plus grand hôpital des quartiers rebelles d'Alep ait été bombardé samedi, pour la deuxième fois cette semaine. M. O'Brien a appelé les belligérants à permettre au moins l'évacuation des centaines de civils nécessitant des soins urgents. Les réserves d'eau et de nourriture sont très basses dans l'est d'Alep, selon l'ONU et l'aide humanitaire pour la ville via la Turquie a été bloquée par les combats. Divisée depuis 2012 entre un secteur ouest contrôlé par le gouvernement et des quartiers est aux mains des rebelles, Alep est actuellement le principal front du conflit syrien. L'armée syrienne progresse Sur le terrain, l'armée syrienne a repris hier la zone industrielle de Chakif dans la province d'Alep (nord-est), a indiqué une source militaire à la presse syrienne. En s'emparant de cette zone dans le nord de la province, contrôlée depuis quatre ans par les insurgés, les forces gouvernementales sécurisent davantage leur contrôle de la route du Castello, qui a longtemps été l'axe de ravitaillement des rebelles occupant les quartiers orientaux d'Alep, avant d'être reconquise il y a deux mois. L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDHL) avait auparavant indiqué que l'armée syrienne continuait hier de progresser face aux rebelles à Alep, grâce au soutien de nombreuses frappes de l'aviation russe. Les forces de l'armée syrienne qui veulent reprendre la totalité de la deuxième ville du pays ont «progressé dans le secteur de Chakif jusqu'à la périphérie du quartier Al Halak», contrôlé par les rebelles, a fait savoir Rami Abdel Rahmane, directeur de l'OSDH. Au plan diplomatique, c'est par contre le blocage. C'est d'ailleurs ce qui inquiète le plus la communauté internationale. La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a prévenu, hier, à ce propos, que le rejet d'un règlement diplomatique à la crise syrienne peut mener à un conflit à grande échelle et à des «changements tectoniques» dans toute la région. «Le lobby des Etats-Unis a vraiment brouillé les cartes et ne permet pas la réalisation d'un accord», a déclaré Zakharova à la chaîne russe TVTs, illustrant ainsi les rapports tendus entre Washington et Moscou depuis le bombardement, dans la nuit du 19 au 20 septembre dernier, d'un convoi humanitaire du Croissant-Rouge syrien et de l'Onu à Urum Al Kubrah, au nord-ouest de la ville d'Alep et qui a fait 21 morts. Changements tectoniques En revanche, la porte-parole a refusé de répondre à la question sur la réaction possible de la Russie dans le cas où les Etats-Unis utilisent la force contre la Syrie. «Je ne peux pas spéculer sur ce qui se passera. C'est aux experts d'y répondre. Pour ma part, je dirais qu'il est important de rester dans le cadre des accords», a-t-elle dit. «Si les Etats-Unis lancent une agression directe contre Damas et l'armée syrienne, ceci conduira à des changements tectoniques effrayants, non seulement en territoire syrien, mais également dans toute la région», a-t-elle ajouté. Côté américain, le secrétaire d'Etat, John Kerry, avait affirmé plus tôt que Washington peut geler la coopération avec Moscou sur le dossier syrien. La presse internationale a également rapporté que les Etats-Unis n'écartent pas la possibilité de mener des frappes contre les forces syriennes. Le conflit en Syrie a fait plus de 300 000 morts depuis 2011 et engendré la plus grande crise humanitaire depuis la Seconde guerre mondiale.