Saadani pointe du doigt le général Toufik, l'ex-patron des services de renseignement et de la police politique, accusé, entre autres, d'avoir provoqué et orchestré les affrontements sanglants de Ghardaïa, les manifs antigaz de schiste à In Salah, celles des chômeurs de Ouargla, Touggourt. Quatre longs mois d'abstinence, de vœux de silence rompus dans le déchaînement et l'hystérie. Hier, Amar Saadani, l'indécrottable leader du parti du Front de libération nationale(FLN) a fait sortir son inénarrable one-man- show. La salle de conférences de l'hôtel El Riadh (Sidi Fredj), où s'est tenue la réunion, convoquée pour les besoins de la galerie — des membres du bureau politique et commissaires (mouhafedh) du parti — a viré au théâtre du vaudeville. Du spectacle, il en a été question tout au long de son discours et point de presse lors desquels Amar Saadani a pris un malin plaisir à empaler des vivants et des morts. Ses sacs de frappe et punching-ball préférés, le général Toufik, (ex- patron du DRS), Abdelaziz Belkhadem (ex- secrétaire général du FLN), le «groupe de 19», les «14», l'opposition Mazafran, Rachid Nekkaz (sic !!)... et autres noms d'oiseaux aujourd'hui disparus de la scène politique. Le patron du FLN ne se gênera pas de franchir quelques rubiconds accusant les deux premiers d'être à la solde de l'ancienne puissance coloniale, la France en l'occurrence, son autre pays de résidence. L'ex-patron des services de renseignement (et de la police politique), genoux à terre depuis sa mise à la retraite dorée, est lynché en public. Non sans humour d'ailleurs. Empruntant au registre de la poésie populaire quelques- unes de ses strophes, Amar Saadani carbonisera littéralement l'ancien général de corps d'armée qualifié au passage de «fer de lance des officiers de la France», autrement dit les DAF, les déserteurs de l'armée française, ce collège de combattants algériens assimilés à des «infiltrés», à des «traîtres» potentiels. «Les DAF, sur lesquels la France a misé, sont aujourd'hui déchus. Ce sont eux les auteurs du putsch sur le FLN en 1990, eux qui ont semé la fitna, embastillé les cadres, coulé les entreprises (…) dirigé les transitions. A présent, ils ne sont d'aucun pouvoir.» La mise en accusation ne s'arrête pas là. Saadani pointe du doigt « El Haraz (l'homme aux amulettes)», le général Toufik pour ne pas le nommer, accusé, entre autres, d'inspirer le «groupe des 19», «les 14» et autres «12 personnalités nationales», et plus grave, d'avoir provoqué et orchestré aussi bien les affrontements sanglants de Ghardaïa, les manifs antigaz de schiste à In Salah, des chômeurs de Ouargla, Touggourt, etc. «Ces régions baignent toutes aujourd'hui dans la quiétude», atteste-t-il en guise d'argument. A l'endroit de la France, Saadani lance cet appel : «Parmi vos DAF, il ne vous reste ni X ni Y. Ils sont à présent tous out. Vos seuls interlocuteurs sont les institutions (…) .» Piqué au vif par l'activisme débordant du «barbe-FLN» Abdelaziz Belkhadem, son rival et alter ego, Saadani le fait passer par la gégène. «Allez-y, enquêtez sur lui et sa famille», invite-t-il la centaine de journalistes présents. «Belkhadem s'est embarqué avec les officiers de la France. Il fait partie de ces agents qui ont été disséminés parmi nous, dans nos rangs. Il est un agent de la France au sein du FLN. Enquêtez, vous découvrirez quel camp sa famille avait choisi pendant la Guerre de Libération». La volée de bois vert (ou bleu marine) est quasi épique. Belkhadem est traité de «faux prophète», qui a «usé de sectarisme (zendaqa) dans l'islam, de la chkara en politique et qui prétend aujourd'hui être l'élu, celui qui a reçu l'onction suprême». Le concert du médisant fut assurément un succès total. Royalement éludés, les sujets brûlants de la politique nationale ne semblent pas intéresser outre mesure le secrétaire général du parti du Front de libération nationale, parti majoritaire, s'il en est. Seul compte son ambition de devenir un jour calife à la place du calife. Son nom, son visage s'étalent déjà en grosse manchette…