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Ce n'est pas évident pour un de reconstituer une
Kamel BeniaichE. Journaliste et auteur
Publié dans El Watan le 14 - 10 - 2016

Un livre sanctionnant 10 ans de recherches et d'investigations dans la ville de Sétif. Kamel Beniaïche, à travers ce livre qu'il vient de publier, a pu recueillir les témoignages d'un grand nombre de rescapés des massacres du 8 Mai 1945. Il est parti à la recherche des victimes oubliées.
- Dans votre livre Sétif, la fosse commune, massacres du 8 Mai 1945, édité chez El Ibriz, vous rapportez méticuleusement une grande partie d'une histoire occultée, peu reconnue...
Après plus de 70 ans, la boucherie qui a été perpétrée à huis clos demeure toujours d'actualité car elle n'a pas divulgué tous ses secrets. Longtemps rattachés uniquement à Sétif, Guelma et Kherrata, les massacres n'ont épargné aucune contrée des Hauts-Plateaux sétifiens où chaque centimètre en est témoin. Eludées des décennies durant, les souffrances de Bouhira, Maouane, Elkharba, Bougaa, Aïn El Kebira, Beni Aziz, Melbou, Aoakas, Bouandas, Amoucha, Ziama Mansouriah, Beni Fouda, Ouricia, Aïn Abassa, Tizn Bechar sont objectivement consignées dans cette ouvrage.
A Bordj Bou Arréridj et El Eulma, où le mouvement national a défié l'autorité coloniale, aucun Européen n'a été violenté ce jour-là, alors que des citoyens des villes précitées ont été arrêtés, torturés et liquidés sans aucun jugement. Les exemples ne manquent pas. Dire que les massacres d'Européens ont engendré la répression est une grossière contrevérité.
Occultés, l'implication des milices, les exécutions sommaires, les supplices des collégiens d'Eugene Albertini (actuel lycée Mohamed Kerouani), des fonctionnaires, des orphelins, la duplicité de la presse de l'époque sont déterrés ainsi l'histoire de la vraie-fausse «insurrection», de l'accusation du leader des Amis de manifeste et de la liberté (AML), Ferhat Mekki Abbas. Désormais, ces points et beaucoup d'autres vérités crues ne sont plus une vue d'esprit…
- Depuis combien de temps avez-vous travaillé sur ce livre ? Merci de préciser comment vous avez commencé et quelle a été votre méthode de travail : recherches, interviews, enquêtes...
A l'antipode des récits des victimes n'éprouvant aucune haine à l'égard de leurs bourreaux et tortionnaires, des écrits militants et idéologiques, pléthoriques en contrevérité, m'ont poussé à m'intéresser de très près à un drame qui a endeuillé ma ville, ma région et mon pays. Avant que ne disparaissent les faiseurs de l'histoire qui n'ont jamais parlé, je devais faire quelque chose. Il était donc de mon devoir d'écouter les acteurs, les témoins et les victimes, rien que pour transmettre la mémoire.
Pour réaliser une bonne enquête, je décide en 2005 de sillonner les coins et recoins du pays profond où je découvre des gens extraordinaires et des paysages sublimes. Parlant pour la première fois, des témoins, dont certains d'entre eux ont passé plus de 17 ans derrière les barreaux, apportent une pierre à l'édifice, sans haine, ni rancune ou rancœur. Mes interlocuteurs n'éludent ni la pression subie ni les actes commis.
Pour conforter ce travail, j'ai consulté des livres, des coupures de journaux et des archives d'une incommensurable valeur historique. Après donc 11 ans de recherche, je présente mon travail à des universitaires mus par l'unique devoir de vérité, ainsi qu'au professeur Gilles Manceron qui a accepté de lire, d'analyser et de préfacer ce document qui n'a pas hiérarchisé les morts. Puisqu'on a non seulement nommé les victimes européennes mais aussi évoqué leur sort.
- Votre livre est une mine d'or et beaucoup de témoignages sont inédits, certains édifiants, d'autres dramatiques. Qu'est-ce qui a été le plus difficile pour vous dans la collecte de ces récits ?
Ce n'est pas du tout évident pour un journaliste de l'intérieur du pays de reconstituer une infime partie d'un gigantesque puzzle. Le recensement des victimes à Sétif-ville et ailleurs a été et demeure une mission difficile. A ce propos, un travail titanesque attend les historiens ainsi que les spécialistes de ce pan de notre histoire contemporaine. Le bouche-à-oreille et l'implication de quelques amis, qui ont cru à ma démarche, m'ont permis de trouver des traces, de récolter des témoignages inédits et de nouer des liens avec des femmes et des hommes d'une grande générosité.
On doit, en outre, savoir que ce document qui sera, je l'espère, complété et corrigé par une deuxième édition, élucide bon nombre de faits. La question inhérente au déclenchement des hostilités est clarifiée par un témoin, Torche Mohamed Kamel, qui est toujours en vie. Des militants du mouvement déclarent vertement que la marche a été bel et bien organisée par le PPA sous couvert des AML…
- Croyez-vous qu'une justice pourrait être rendue un jour aux victimes des fosses communes et des survivants meurtris ?
La meilleure des justices que nous puissions rendre aux victimes de Mai 1945 est la transmission de la mémoire. Les témoins et victimes du «mardi noir», qui ne veulent pas oublier ce pan de l'histoire qu'«on» a voulu effacer, ne quémandent pas une réparation matérielle, ils exigent plus qu'une reconnaissance conjoncturelle.
- La France d'aujourd'hui n'est certes pas celle d'hier. Toutefois, les politiques demeurent réticents face à la reconnaissance de ces crimes. Peut-on s'attendre à un changement ?
La France refuse de regarder en face son histoire coloniale. Elle éprouve des difficultés à assumer ce passé, à affronter ces périodes douloureuses. Comme le passif est à la fois volumineux et ensanglanté, la France trouve encore du mal à franchir le pas. Pour preuve, une bonne partie des archives de 1830 à 1962 reste encore inaccessible et incommunicable. Impliqués, des courants politiques opposent un niet catégorique. Il est difficile pour ces formations de remuer le couteau dans la plaie, car elles seraient dans l'obligation de reconnaître leur part de responsabilité. Constituant un puissant lobby hostile à toute reconnaissance, les rapatriés d'Algérie posent leur veto.
Des groupes d'anciens appelés du contingent qui ont fait la Guerre d'Algérie refusent toute idée de reconnaissance, car ils sont mouillés dans la torture et les exécutions extrajudiciaires. Placée au premier rang des accusés, l'armée française, très impliquée dans les crimes perpétrés durant les 132 ans de colonisation de l'Algérie, voit mal un quelconque mea-culpa de la France officielle.
Ce veto ne plaide pas en faveur d'une refondation des relations algéro-françaises qui ne sortent pas aussi facilement des sentiers battus. Néanmoins les voix et les actions des politiques comme l'ancien maire de Paris, Bertrand Delanoe, des associations, des écrivains et historiens, tels Olivier le Cour Grandmaison, prendront un jour ou l'autre le dessus
- A la fin de votre livre, vous dressez une liste des victimes de cinq localités. Vous gravez ainsi le nom d'un bon nombre de personnes décédées, souvent fusillées...
Considérés 70 ans durant comme des fantômes, les indigènes, auxquels les porteurs de la mémoire coloniale ont dénié le statut de victimes, disposent désormais d'un nom et d'une sépulture. A travers cette démarche, on a restitué l'identité des victimes qui n'étaient pas à l'époque reconnues ni dans leur citoyenneté ni dans leur identité. En les nommant, on a essayé de restituer leur martyre et de leur rendre justice…


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