Le conseil municipal de Marseille a résilié le bail de location du terrain sur lequel devait s'élever la Grande Mosquée. C'est sur un terrain des anciens abattoirs de Marseille que devait être construite la Grande Mosquée, quartier Saint-Louis, rue Journet, dans le 15e arrondissement. Elle aurait dû ouvrir cette année, mais le chantier était à l'arrêt depuis longtemps, alors que la première pierre avait été posée en 2010. Le bail emphytéotique administratif, signé entre la municipalité et l'association cultuelle de la mosquée pour la location foncière, courait sur 50 ans. Les problèmes financiers ont empêché que les travaux se déroulent comme prévu. Pourtant, pendant ce temps, le loyer dû à la municipalité de Marseille continuait de gonfler depuis 2013, au point d'atteindre près de 62 000 euros. Une dette que Marseille a mise sur la sellette pour engager une procédure de résiliation unilatérale du bail, comme la loi l'autorise à le faire, ce qui a été acté au début du mois par le conseil. Ce sont «deux manquements contractuels» que pointe le rapport débattu par les élus marseillais, qui porte également sur le permis de construire, devenant caduc si dans un certain délai les travaux ne sont pas livrés. Le rapport présenté aux conseillers municipaux stipulait : «Un permis de construire a été délivré au bénéfice de l'association le 29 septembre 2009 et il résulte des constatations effectuées sur place que la déclaration d'ouverture du chantier du 19 juin 2013 n'a pas été suivie de travaux significatifs, de sorte que la construction autorisée n'a pas été édifiée au 29 septembre 2016». Or, le permis de construire courait sur sept ans. On ne sait pas encore si l'association La Mosquée de Marseille se tournera vers la chambre administrative compétente pour présenter un recours afin de contester la décision municipale. En tout cas, ce nouvel épisode vient rappeler que Marseille, historiquement et géographiquement, est la première cité à accueillir des migrants de confession musulmane — dont une importante communauté algérienne — n'a toujours pas de Grande Mosquée. Pourtant, l'argent a été mis dans la caisse du projet, notamment par la Grande Mosquée de Paris, et aussi, bien sûr, par les pratiquants sollicités depuis des années pour aider à la construction, en vain pour l'heure. Depuis les années 1920, Paris en dispose et Lyon depuis vingt ans, pour parler uniquement des grandes agglomérations françaises. Dans la capitale du Sud, plusieurs projets ont échoué depuis une centaine d'années. La raison en est peut-être une population musulmane écartelée entre des origines trop diverses, selon les commentateurs. Démolir pour reconstruire ! Le Marocain Anouar Kbibech, président du Conseil français du culte musulman (CFCM) veut être positif. Sur France Info, il estime : «La situation est difficile mais pas insoluble (…) Je pense que toutes les sensibilités de l'islam de Marseille sont autour de la table. Concernant les fonds, c'est un projet conséquent, 22 millions d'euros. Il y a deux institutions qui se mettent en place pour le financement du culte musulman : la fondation de l'islam de France sur le plan culturel est une association cultuelle nationale qui pourra lever des fonds. (...) On espère que cela pourra changer la donne à Marseille.» Et d'ajouter : «Si la collecte des 22 millions d'euros n'est pas une chose simple, le CFCM est prêt à aider, à jouer un rôle de facilitateur, pour aider la mosquée à boucler son budget.» Le président de l'association de la Grande Mosquée de Marseille, Abderrahmane Ghoul (Marocain), cité par La Provence, estime que l'association est en règle, mais exsangue financièrement : «Il nous faudrait au minimum 3 millions d'euros pour raser le bâtiment (qui avait subi un incendie en 2015, ndlr) et lancer le chantier. Les particuliers ne donnent que s'ils voient les choses avancer.» Apparemment, ce n'est pas pour demain. D'autant que la municipalité marseillaise, dans la délibération entérinée, ne fait pas dans la nuance, parlant «de délabrement avancé des bâtiments et de l'abandon du terrain jonché de détritus et de débris de verre qui posent de réels problèmes en termes de sécurité et d'hygiène». Le reproche est fait à l'association de n'avoir pas présenté à la commune les «attestations d'assurance et de gardiennage du site», en ne répondant pas au courrier en ce sens daté de juillet 2015 lui demandant de «mettre fin à l'absence d'entretien et à la détérioration du site».