Bien qu'il représente un véritable casse-tête pour tout le monde, le dossier de remplacement du préfabriqué n'en reste pas moins une préoccupation majeure des sinistrés du séisme d'octobre 1980, qui occupent quelque 18 000 logements de ce type, situés, pour une large part, dans les communes de Chlef et de Chettia. Le patrimoine, vieux de 26 ans, a dépassé largement sa durée de vie, engendrant des conséquences néfastes sur la vie et la santé des habitants concernés. Après avoir divisé ces derniers en deux catégories (locataires et propriétaires), le gouvernement a initié, rappelons-le, deux actions pour tenter d'éradiquer les dernières séquelles de cette catastrophe naturelle. La première porte sur la réalisation de 6300 logements sociaux pour les familles dont les biens sont gérés par l'OPGI. Quant à la seconde option, elle consiste en l'octroi de crédits à 2% d'intérêt pour les 12 000 autres occupants ayant acquis leurs baraques dans le cadre de la loi portant cession des biens de l'Etat. L'une et l'autre action ont connu un début d'application avec, respectivement, le lancement des avis de sélection des entreprises de réalisation et la signature d'une convention de financement entre la direction générale de la CNEP et la wilaya de Chlef, aux fins de remplacement et d'éradication des constructions actuelles. Les crédits sont plafonnés à 200 millions de centimes, remboursables sur 30 ans, pour ceux qui remplissent les conditions d'éligibilité se reposant essentiellement sur l'âge et le revenu du bénéficiaire. C'est du moins ce qu'avait annoncé récemment à Chlef le PDG de l'institution financière, lors de la cérémonie de signature du document officiel avec le wali de Chlef, en marge de la célébration de la Journée arabe de l'habitat, qui s'est déroulée sous la présidence du secrétaire général du ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme. Selon les renseignements que nous avons pu recueillir auprès de la CNEP, les prétendants à un crédit « normal » doivent être âgés de 40 ans et posséder un salaire minimum de 28 000 DA. Or, si l'on déduit les 25 années passées depuis le séisme, l'on se retrouve avec des propriétaires qui avaient 15 ans à la date de cette catastrophe ! C'est ridicule et quasi impossible pour répondre à une telle exigence dans ce cas précis. La tranche d'âge la plus répandue est comprise entre 50 et 70 ans et comprend aussi bien des travailleurs que des chômeurs et des retraités qui n'ont ni les revenus nécessaires ni l'âge requis pour ouvrir droit à des crédits suffisants et des échéances de remboursement étalées dans le temps. Pour celui qui a 68 ans, par exemple, le délai de remboursement de la totalité du prêt accordé est fixé à deux ans uniquement, car l'âge limite est fixé à 70 ans. Au-delà, personne ne peut en bénéficier, quel que soit l'état de sa baraque. Notre visite au siège de l'agence CNEP, ces derniers jours, a d'ailleurs coïncidé avec la présence d'une veille dame âgée de 73 ans, venue s'informer sur les modalités d'acquisition du crédit en question. Elle a beau réclamer son « droit », on lui fera savoir qu'elle n'est nullement concernée par le dispositif pour le motif cité. On saura également qu'une bonne partie des gens qui s'y présentent quotidiennement pour avoir des informations sur le sujet, dispose de salaires ou de pensions de moins de 10 000 DA, ce qui ne leur permet pas de bénéficier d'un prêt correspondant à leurs besoins ou d'assurer le remboursement du montant mensuel imposé par l'organisme financier. Celui-ci exige également des postulants l'hypothèque de leurs biens et la démolition de ces derniers après l'octroi du crédit bancaire, quel qu'en soit la valeur. Pour toutes ces raisons, les demandeurs retournent souvent bredouilles chez eux, car ils trouvent la démarche pas du tout adaptée à leur situation et attentes légitimes. « On croyait que l'Etat allait nous accorder des facilités et des avantages pour nous permettre de construire un toit décent et remplacer nos vieilles habitations. Or, on nous propose une formule ordinaire qui ne résout pas globalement le problème », nous diront des pères de famille rencontrés devant l'agence CNEP. Ces déclarations sont partagées par la majorité des sinistrés qui aspiraient à une solution efficace et bien réfléchie pour éradiquer ou réhabiliter totalement leurs constructions précaires. L'impression générale est qu'on veut traiter un cas particulier et complexe à la fois par des mesures ordinaires et classiques qui ne répondent nullement à sa vraie nature et son caractère urgent. « Même si on nous qualifie de propriétaires, nous sommes composés en grande partie de pères de famille à revenus modestes, qui ne peuvent supporter des dépenses de ce type pour aménager ou reconstruire leur toit », déclarent certains d'entre eux.