Des enseignants refusent de rejoindre les postes auxquels ils sont affectés. Des écoles sans enseignants et donc des enfants privés d'école. En attendant de trouver une solution, la scolarité est sérieusement perturbée et les parents paniquent. Reportage à Bouira. Adossé au mur de l'école primaire, sise au village Boukhazem, perché à plus de 65 km, au nord-ouest de Bouira, Rabah, la trentaine passée est catégorique : «Les enseignants ont toujours refusé d'enseigner ici à cause de l'éloignement de l'établissement et du village aussi.» La scolarité des potaches est sérieusement perturbée. Rabah enchaîne en sirotant son café : «L'établissement est parfois fermé et nos enfants sont privés de cours.» Face à lui, Akli qui lui répond d'un ton «agressif» : «Il faut dire la vérité, nos élèves n'ont jamais suivi leur scolarité dans la tranquillité en dépit de nos doléances exprimées aux responsables locaux et pouvoirs publics.» Les habitants de cette localité semblent ne pas oublier la période terroriste qui a laissé des souvenirs indélébiles dans la mémoire collective. Le village, à l'instar des autres bourgs relevant de la commune de Malla, a souffert durant des années des affres et du diktat des groupes intégristes. «L'unique projet dont a bénéficié la région est le barrage Koudiat Acerdoun, deuxième barrage hydraulique avec une capacité d'emmagasinement dépassant les 600 millions de m3, mais les familles n'ont pas pour autant bénéficié des eaux du barrage», regrettent des habitants, qui s'interrogent sur le fait que plus d'une décennie après le passage de cette période douloureuse, les élèves trouvent encore des difficultés à étudier dans de bonnes conditions. «Les responsables du secteur de l'éducation n'ont jamais répondu à nos écrits, et n'ont pas encore pensé à régler les problèmes qui ne datent pas d'aujourd'hui», réplique Rabah, en affirmant, au passage, que la vie a repris, peu à peu, ses droits dans ces localités reculées de la commune de Malla. «Ils (les responsables du secteur de l'éducation, ndlr) doivent impérativement revoir les critères d'affectation des enseignants. Et également sanctionner ceux qui refusent de rejoindre leur poste», atteste de son côté un cadre du secteur. Absence L'éloignement des établissements scolaires, l'absence de moyens de transport et de logements sont les principaux justificatifs des enseignants qui refusent de regagner leur poste. La preuve, l'ancien directeur de l'éducation de la wilaya de Bouira, Rachid Benmessaoud, muté comme secrétaire général de la direction de l'éducation de la wilaya de Tipasa, avait indiqué que son secteur a constaté un déficit qui dépasse les 350 enseignants dans les différents paliers de l'enseignement. Selon le rapport qu'il a présenté devant les élus de l'APW, un déficit de 173 enseignants est enregistré au niveau du cycle secondaire, 298 pour le moyen et 514 enseignants pour le primaire. Un manque qui ne pourra être comblé dans l'immédiat dès lors que le secteur de l'éducation traverse, à l'instar des autres secteurs, une crise liée essentiellement aux restrictions budgétaires décidées par le gouvernement dans le cadre des mesures d'austérité. D'ailleurs, dans la wilaya de Bouira, plusieurs cantines scolaires ont été fermées cette année. Des milliers d'écoliers sont privés de leur repas à midi. Outre ces mesures qualifiées d'injustes par les parents d'élèves qui ont d'ailleurs manifesté leur colère au début de la rentrée des classes, en fermant même les portes des établissements, les autorités ont même gelé les projets visant au renforcement du secteur en établissements scolaires. A Bouira, des infrastructures ont été livrées sans commodités au début de l'année scolaire. La scolarité des élèves est désormais perturbée en raison de l'absence d'encadrement pédagogique. La situation du secteur de l'éducation à Bouira est peu reluisante. Deux mois après la rentrée des classes, les élèves sont confrontés à d'énormes difficultés. Dans certaines localités de la wilaya, notamment celles situées en zone montagneuse, les collégiens n'arrivent pas à suivre posément leur scolarité. Des écoles primaires sont fermées à ce jour, pour cause d'absence d'enseignants. C'est le cas des groupes scolaires situés dans les communes de Malla, Dechmia et Aïn Turk, pour ne citer que ceux-là, qui n'ont pas encore ouvert leurs portes aux élèves. Une situation qui a mis les parents en colère. Ils ne cessent de réclamer des solutions à cet épineux problème. Refus L'absence d'enseignants, dont certains refusent même de regagner leur poste au sein de ces écoles reculées, a pénalisé des centaines d'élèves désormais privés de leur scolarité. La direction de l'éducation est visiblement incapable de remédier à cette situation, du moins gravissime. Dans le même rapport présenté à l'APW par l'ex-directeur intérimaire, au total six postes de proviseur d'établissement secondaire, douze directeurs de CEM et 46 autres directeurs d'école primaire demeurent à ce jour non pourvus. A la direction de l'éducation, aucun responsable n'a voulu s'exprimer sur cette affaire. Le secteur se débat dans des problèmes énormes. Depuis le début de la rentrée, plusieurs mouvements de protestation ont eu lieu à travers plusieurs établissements scolaires. Dans la commune de Dirah, tout comme au lycée Houari Boumediène du chef-lieu de wilaya, ce sont les enseignants qui ont maintes fois débrayé pour dénoncer l'absence du personnel administratif. Décidément, les conditions de travail ne sont plus réunies dans certains établissements. Face à cette rude situation, les parents d'élèves, soucieux de l'avenir de leurs enfants, interpellent la ministre de l'Education afin d'intervenir et mettre un terme à cette anarchie. Notons que plusieurs cantines scolaires ont été fermées cette année : elles n'ont pas reçu les dotations financières. Le secteur de l'éducation, affecté par les restrictions budgétaires et les mesures d'austérité décidées par le gouvernement pour parer aux effets induits par l'effondrement des cours du pétrole, se retrouve dans une situation alarmante. Devant l'incapacité des responsables du secteur au niveau local de procéder au recrutement des contractuels, dont le dossier relève des prérogatives de la ministre, Mme Nouria Benghebrit, c'est l'avenir des milliers d'élèves qui est en jeu. Le département a, en revanche, décidé de l'augmentation du volume horaire des enseignants, notamment ceux du secondaire, ont fait savoir nos sources. Néanmoins, les parents, soucieux de l'avenir de leurs enfants, ont préconisé des solutions. A Boukhazem, des parents ont demandé le transfert de leurs enfants vers d'autres établissements de la commune. «Nous sommes prêts à accompagner nos enfants vers ces établissements éloignés que de les voir rester à la maison», conclut, presque en larmes, un parent.