Le tribunal de Bir Mourad Raïs, près la cour d'Alger, rendra son verdict relatif à l'affaire de la Banque algérienne de développement rural (Badr) le 18 novembre. Ce scandale au centre duquel se trouve le groupe Digimex, appartenant à Youcef Zidoune, un richissime commerçant de Blida, très proche du MSP, n'a pour l'instant pas livré ses secrets en dépit d'un procès très riche en enseignements. En dehors des défaillances dans le système de contrôle de gestion des banques, les deux journées d'audition et de plaidoirie n'ont pas pour autant permis de situer clairement les responsabilités, pour ne pas dire la complicité, ayant aidé à saigner la Badr, pour lui causer un préjudice de 12 milliards de dinars. Les 24 prévenus appelés à la barre, y compris le patron du groupe Digimex, ont crié leur innocence. Les 13 cadres de la Badr, cités dans ce scandale, ont eux aussi rejeté les faits reprochés. Ceux de la direction générale ont rejeté la balle à leurs collègues de Birkhadem et ces derniers ont plutôt estimé que leurs actes étaient contrôlés par la centrale. Du mois d'avril 2002 jusqu'en juillet 2005, aucune visite d'inspection n'a relevé une quelconque défaillance dans la gestion des lignes de crédit, des lignes d'escompte ou des chèques certifiés. Mieux, ces missions de contrôle ont présenté dans leurs différents rapports le groupe Digimex comme étant un client des plus « clean ». Il a fallu que les policiers de l'Office national de répression du banditisme (ONRB) pointent leur nez à l'agence de Birkhadem (pour une autre affaire) en juin 2005 et qu'un agent attire leur attention sur Digimex pour que le pot aux roses soit découvert. Lors des plaidoiries, qui se sont poursuivies vendredi jusqu'à 22h, les avocats ont fait remarquer que Digimex « a bénéficié de 40 autorisations et lignes de crédit actualisées entre 2002 et 2005, et aucun effet n'est retourné ». La défense a tenté d'expliquer ce qui s'est passé, en révélant que lorsque le nouveau directeur général de l'agence de Birkhadem, installé en mai 2005, « a annulé les lignes de crédit valables jusqu'au 31 décembre 2005 et d'une façon arbitraire, il a rompu un maillon de la chaîne. Ce qui a provoqué le retour des traites impayées, lesquelles ont été escomptées en juin, juillet, septembre et août. Ces traites auraient dû trouver des lignes d'escompte pour éviter cette situation ». Pour la défense il n' y a pas eu de dépassements d'escompte, mais plutôt une chute de traite. Elle a également relevé le fait que les rapports des missions de l'inspection des finances en 2004 n'ont à aucun moment relevé de dépassements d'escompte ou de crédits, estimant que la Badr aurait dû accompagner le groupe Digimex pour éviter une telle situation en désignant un administrateur et prendre les hypothèques puisque Zidoune, le patron de ce groupe, a de tout temps affirmé qu'il a les moyens de régler ses dettes. De nombreux avocats, notamment des cadres de l'agence de Birkhadem, ont plaidé l'innocence de leurs mandants, estimant que les crédits dépassant le montant de 350 millions de dinars ne relèvent pas de leur ressort, mais de celui de la direction générale de la Badr. Ils ont estimé que tous leurs actes de gestion sont passés au peigne fin par l'inspection générale, et jamais ces missions de contrôle n'ont décelé une quelconque anomalie. Par ailleurs, le représentant du ministère a requis la peine maximale de 10 ans contre Hamou Boukhari, directeur régional d'exploitation, Mustpaha Sai, sous-directeur, Youcef Zidoune patron du groupe Digimex, Abderrazak Djellouli, associé de Digimex, Loucif Hamel gérant d'une des sociétés du groupe, Abdelkrim Bouguerra (en fuite) et Lakhdar Mekhanfis, directeur général de l'agence de Birkhadem. Il a requis une peine de 8 ans contre Farouk Bouyacoub, PDG de la Badr, Badaoui Laboune, directeur général adjoint, Ferhat Badri, directeur central, Ali Zaït, sous-directeur régional, Charef Djamel Hamlaoui, sous-directeur central, Naceri, Ouahrani, Belarbi Ameziane, et Choumane. Une peine de 6 ans a été requise contre Allel, Brahim Souhil, agent commercial de Digimex, Boualem Guessas, agent de Digimex, M'hamed Kacemi, associé dans une société du groupe Digimex, Aïssa Laâdjali (employé du groupe), et Rabah Bouamra, employé du groupe. Ces peines ont été toutes assorties d'une amende de 1 milliard de dinars pour chacun des prévenus. Le verdict sera connu le samedi 18 novembre 2006.