Avec ses 3124 km parcourus en Algérie, sa plainte déposée contre Saadani et ses nombreuses manifestations contre la corruption organisées à Paris, Rachid Nekkaz reste l'homme politique le plus controversé des deux rives. Il revient, avec son franc-parler, sur tous ces sujets polémiques dont il fait l'objet. - Vous avez porté plainte pour diffamation contre l'ancien SG du FLN, Amar Saadani, qui vous a accusé d'«être poussé par l'ex-patron des services, le général Toufik». Où en êtes-vous dans cette affaire ? Tout d'abord, je tiens à dire que je n'ai jamais rencontré le général Toufik. Et que jamais je ne serai l'auteur ou l'organisateur d'actions subversives qui soient de nature à fragiliser la sécurité de notre pays ou à remettre en question sa souveraineté nationale. Les déclarations diffamatoires de Saadani son très graves. Pire, elles constituent une menace absolue sur ma vie. Ces mensonges publics sont l'une des causes du discrédit de la parole politique en Algérie et de l'absence de confiance entre les citoyens et les hommes politiques. J'ai annoncé publiquement que je laisserai 12 mois à la justice de notre pays pour étudier et juger cette affaire qui permettra d'améliorer l'image de notre justice auprès du peuple algérien et au niveau international à l'heure où notre Algérie traverse une crise politique, morale et financière délicate. - Pensez-vous réellement que Saadani sera jugé ? En tant qu'acteur politique algérien, je me dois de faire confiance à la justice de mon pays. Je me dois aussi d'aider les juges à faire correctement leur travail. Cette plainte pour diffamation ira jusqu'au bout, car elle n'implique pas une peine de prison pour Saadani. La peine qu'il encourt est essentiellement morale. Si pour une raison ou une autre cette affaire devait être bloquée, je reprendrai les manifestations anti-corruption à Neuilly-sur-Seine jusqu'en 2019 avec les conséquences fâcheuses pour l'image du gouvernement algérien en interne et en externe. - Vous avez demandé, il y a deux ans, l'instauration d'une loi sur l'amnistie financière et fiscale à l'endroit des dirigeants en contrepartie de leur départ du pouvoir. Cela ne contredit-il pas les actions que vous menez en France ? Non, c'est cohérent si on se place d'un point de vue politique et non sur le plan rationnel. Il est important de souligner que je ne suis pas un justicier mais un homme politique. Mon objectif politique est le départ négocié des 40 voleurs du pouvoir. C'est en leur démontrant notre capacité de nuisance à Paris et en organisant régulièrement des manifestations anti-corruption que les 40 voleurs vont réaliser l'impact négatif de nos actions sur leur image dans les 48 wilayas du pays et à l'étranger. Maintenant, la situation a totalement changé. La santé du président Bouteflika s'est dégradée, le prix du baril a chuté et les relations avec la France sont tendues, surtout que Paris est très préoccupé par sa campagne présidentielle à haut risque. L'élection de Trump aux Etats-Unis n'arrange pas les 40 voleurs qui ont beaucoup misé sur la victoire de Clinton dont ils ont financé notamment la fondation. Dans ce contexte nouveau et délicat, je crois que les 40 voleurs ont tout intérêt à reconsidérer ma proposition d'amnistie financière et fiscale avant que l'accélération des événements politiques et sociaux ne rende la chose presqu'impossible ou tardive. La balle est dans leur camp. - En France, vous avez été récemment placé sous contrôle judiciaire. Des députés demandent de vous interdire de séjour dans l'Hexagone. Ceux du Front national continuent à entraver vos actions. Quel est votre commentaire ? En multipliant les manifestations anti-corruption à Paris sur les Champs-Elysées (appartement de 15 milliards de centimes de Rym Sellal) et devant Notre-Dame (appartement de 54 milliards de centimes de Bouchouareb) qui démontrent, vidéo à l'appui, que 100 à 200 policiers français protègent ces appartements achetés avec l'argent du peuple algérien. A ce sujet, j'ai publié sur ma page Facebook tous les actes notariés officiels qui le démontrent. Aucun ministre ne peut acheter un appartement de 15 à 54 milliards de centimes à Paris avec un salaire de 3000 euros par mois (36 millions de centimes). Le deuxième axe de ma stratégie de pression sur le gouvernement français est constitué par le paiement depuis 2010 des amendes anti-niqab et anti-Burkini. En payant ces amendes au nom du respect des libertés individuelles et non pour des raisons religieuses (je ne suis ni imam, ni théologien), cela me permet de neutraliser sur le terrain l'application de ces lois liberticides destinées exclusivement à priver de liberté les femmes musulmanes. Je tiens à rappeler qu'à titre personnel, je suis contre le port du niqab car ce n'est pas la meilleure façon de s'intégrer dans les sociétés européennes. Ma position est celle du philosophe Voltaire qui a dit : «Même si je ne suis pas d'accord avec ton opinion ou ta religion, je me battrai jusqu'à la mort pour que tu aies la possibilité de l'exprimer ou de la vivre». - Sur les réseaux sociaux, beaucoup d'internautes se demandent pourquoi Rachid Nekkaz ne paierait-il pas les amendes des chômeurs condamnés pour avoir organisé des actions pacifiques ? Je prendrai à ma charge tous types d'amendes liées à des actions de protestation pacifique, que ce soit celles des chômeurs, des militants des droits de l'homme ou des supporters emprisonnés récemment à cause du port du drapeau kabyle ou chaoui. - Vous avez appelé vos abonnés sur votre page Facebook à adhérer à votre parti afin de gagner les prochaines échéances. Comment allez-vous procéder, sachant que votre parti n'est pas encore agréé ? Nous avons déposé une demande d'agrément pour le parti MJC (Mouvement pour la jeunesse et le changement) depuis le 29 juin 2014. Le ministère de l'Intérieur semble faire la sourde oreille. Vos lecteurs et les nôtres doivent savoir que nous n'avons pas besoin d'obtenir un agrément pour notre parti MJC afin de participer aux élections législatives (députés), municipales (APC) ou à la présidentielle. La loi nous autorise à présenter des listes indépendantes, à condition de rassembler 250 signatures par candidat présenté. - Si vous comptez participer à l'élection présidentielle, sachant que la nouvelle Constitution vous l'interdit sur la base de l'article 51, comment comptez-vous y parvenir ? Je serai candidat à la présidentielle de 2019, car j'ai renoncé à ma nationalité française en 2013 et que j'ai toujours voté dans mon douar près de Chlef de 1995 à 2014. Soit pendant 19 ans. J'ai publié en février 2016 l'attestation de l'APC de Aïn Merane et les cartes d'électeur qui le prouvent. - Vous continuez tout de même à qualifier le pouvoir, qui vous interdit de manifester et de vous exprimer, de démocratique. Pouvez-vous nous éclairer plus sur votre position ? Notre démocratie est imparfaite. Elle fonctionne à 85%. Pour les 15% restants, chacun de nous - citoyen, homme politique, journaliste, entrepreneur, syndicaliste, étudiant, fonctionnaire, policier, juge, avocat - doit apporter sa modeste contribution pour l'améliorer au quotidien au service du peuple algérien. En Algérie, il y a des élections à rythme régulier, une pluralité de partis politiques, des médias semi-indépendants et plus d'assassinat politique depuis 1999. C'est encore imparfait, mais c'est moins pire qu'avant. Prenez mon cas. J'ai une liberté de ton qui est totale. On ne m'a jamais emprisonné en Algérie pour mes propos contre les 40 voleurs. Certes, j'ai été arrêté à 15 reprises. Mais la France aussi, qui prétend être le pays des droits de l'homme, m'a arrêté, menotté et mis en garde à vue pendant 30 heures alors même que je bénéficiai d'une autorisation de manifester. Je crois raisonnablement qu'il faut avancer doucement, sans attendre des changements rapides dans un délai très court. Il ne faut pas mentir au peuple algérien. Il faut avancer avec pédagogie et avec un esprit de responsabilité en appelant chacun des 40 millions d'Algériens d'ici et d'ailleurs à faire un effort et à servir l'Algérie au lieu de s'en servir.