L'Algérie est un pays émergent en matière de droits de l'homme. Il a évolué positivement, mais nous estimons que beaucoup reste à faire d'autant plus que nous avons accusé un retard considérable dans ce sens. Un déficit de plus d'une décennie », a soutenu hier Rachid Ksentini, président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, lors du forum de la Chaîne III de la Radio nationale. Les droits de l'homme, de son avis, sont l'affaire de tous. Toutefois, si réellement l'Algérie a évolué en matière de droits de l'homme, pourquoi alors refuse-t-on toujours d'agréer les syndicats autonomes ? Comment peut-on également suspendre un journal (Echourouk) et mettre en prison un journaliste pour ses écrits ? Pour toute réponse à ces interrogations, M. Ksentini s'est dit très agréablement surpris du verdict rendu par la justice concernant le journal et les journalistes d'Echourouk. « Cette condamnation relève de l'anecdotique. Ma position est connue sur ce sujet, on ne peut pas et il est inadmissible de mettre en prison un journaliste pour avoir exprimé une opinion qui, quelque part, n'est pas du goût des politiciens », a déploré M. Ksentini, qui a expliqué que les journalistes ont le droit de faire appel devant la cour d'Alger. « Je suis surpris par la fermeté de cette condamnation, mais je suis convaincu que les magistrats du second degré vont corriger cette maladresse. On ne jette pas un journaliste en prison pour ses écrits. C'est insensé », dira-t-il en précisant que rien n'est définitivement acquis en ce qui concerne les droits de l'homme, mais il faut cependant se battre pour évoluer dans ce domaine. Enchaînant sur la question de l'absence du pluralisme syndical, M. Ksentini estime qu'il ne peut pas y avoir de démocratie sans une pluralité syndicale. « En Algérie, il existe un seul syndicat qui domine. Ce dernier je le respecte beaucoup, mais je pense que le moment est venu d'instaurer le multisyndicalisme, à l'instar du multipartisme », a expliqué M. Ksentini. Toutefois, il regrette le fait que les partis d'opposition se soient mis en veilleuse. « Pour que l'Algérie devienne une démocratie à ciel ouvert, il faut que tous les acteurs de la scène politique, et la population dans son ensemble, y contribuent et doivent jouer pleinement leur rôle », dira-t-il. Abordant le volet relatif à la charte pour la réconciliation nationale et les derniers attentats terroristes commis aux alentours d'Alger, le conférencier a indiqué que ces actes sont ni plus ni moins l'œuvre de personnes désespérées qui agissent de la sorte afin de déstabiliser le pays et porter atteinte au processus du projet de la charte. Pour la suppression de la peine de mort Quant au rapport portant sur le bilan de cette charte, qui n'a pas encore été rendu public, M. Ksentini confirme le retard et espère que le rapport sera publié incessamment. « Je pense que la charte que nous avons soutenue et que le peuple a approuvée a atteint ses objectifs. Le rapport est un indicatif important et la population doit être informée des résultats du travail effectué jusque-là », a affirmé M. Ksentini. A la question de savoir si la commission dont il est président a élaboré des propositions, l'orateur répondra que la charte est une décision éminemment politique : « Nous sommes juste une simple commission, nous ne pouvons pas nous immiscer dans ce type d'affaire ; nous avons approuvé la charte car ses dispositions ne sont pas contre les règles des droits de l'homme. La charte était la seule solution pour le règlement de la crise qui a secoué l'Algérie. » M. Ksentini a admis que la charte a connu des obstacles d'ordre bureaucratique lors de son application. Le défenseur des droits de l'homme a confirmé son entrevue avec Rabah Kébir, l'ex-dirigeant du parti dissous avec qui il a abordé plusieurs sujets, sauf celui portant sur la création d'un parti politique. Pour Ksentini, les textes de la charte interdisent aux ex-responsables du FIS de mener une activité politique, mais par contre la loi n'interdit pas aux individus de s'exprimer. « Il est inconcevable d'empêcher une personne de parler dans un cadre légal. Nous sommes en démocratie. A mon sens, il faut que l'on cesse de se diaboliser les uns les autres. Il faut aujourd'hui essayer d'amener les islamistes à renoncer à la violence », a lancé M. Ksentini, qui a qualifié Rabah Kébir d'homme modéré qui a entretenu un discours fraternel... Sur un autre chapitre, le conférencier a insisté sur l'abolition de la peine de mort qui est d'un autre âge. « La peine de mort doit être supprimée et remplacée par des peines de réclusion », a-t-il expliqué.