Des dizaines de condamnés à la peine capitale croupissent depuis des années dans le couloir de la mort. Alors que tout le monde est resté sur sa faim à propos du bilan de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, Me Farouk Ksentini s'apprête à rendre publique la mouture provisoire de son rapport annuel qu'il remettra, bientôt, à Bouteflika. Le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (Cncppdh) entend «muscler», cette fois-ci, son bulletin. Ainsi, le président de la République devra être saisi pour l'abolition de la peine de mort, le point noir de la législation algérienne. Farouk Ksentini s'oppose aux condamnations à la peine capitale qu'il a qualifiée «d'absurde, cruelle et inutile». La peine de mort n'a plus sa raison d'être dans le répertoire de la législation algérienne. D'autant, qu'elle est à l'origine même du blocage actuel qui freine les formalités et les accords d'extradition que compte parapher l'Algérie avec d'autres pays. La peine capitale, selon Ksentini, n'a pas été applicable depuis l'année 1993. A noter aussi, qu'un avant-projet de loi visant l'abolition de la peine de mort est bloqué au niveau du ministère de la Justice et sa «délivrance» dépend en premier lieu, d'une décision présidentielle. D'autant plus que des dizaines de condamnés à la peine capitale croupissent, depuis des années, dans le couloir de la mort et leur sort demeure suspendu à une éventuelle abolition pure et simple de cette mesure. Surtout que la peine capitale est contraire aux conventions des droits de l'homme ratifiées par l'Algérie. Il faut reconnaître que le département de la Justice a beaucoup traîné la patte concernant ce projet, ce qui n'est pas dans l'intérêt de notre pays. Me Ksentini avait, il y a quelques jours, émis le voeu que l'Algérie soit le premier pays arabe qui procédera à l'abolition de la peine de mort. L'autre point, et non des moindres, à avoir été mentionné dans le rapport Ksentini, c'est justement les «insuffisances» de la «charte» Seul le premier magistrat du pays est en mesure d'apporter les correctifs suggérés, à en croire le texte de la «charte». Il sera donc demandé officiellement au président, à travers le rapport Ksentini, d'élargir ces mesures à d'autres catégories dites «exclues». Ce ne sera, sans aucun doute, «qu'un avis», précise Mr Ksentini dont l'institution ne peut être qu'une commission consultative. Autrement dit, une cellule d'écoute et/ou de proposition. Ksentini bouscule, aujourd'hui, un «tabou» capital de l'après-charte. Il s'avère, selon lui, nécessaire de revenir, des mois après, sur deux catégories «d'oubliés de la charte». Il s'agit «des déportés administratifs du Sud» et des personnes qui ont combattu le fléau terroriste et «qui s'inquiètent aujourd'hui de leur sort», à savoir les patriotes. A propos justement de ces deux catégories «d'exclus», les ex-internés du Sud et les patriotes, Farouk Ksentini a révélé qu'ils ont subi «des préjudices», et qu'il est «légitime de les indemniser». D'ailleurs, «une requête dans ce sens a été transmise au président de la République», précisa notre interlocuteur. Face à un Ould Abbès peu prolixe, le président du mécanisme ad hoc, institué afin de prendre en charge le «casse-tête» des disparus, est, quant à lui, un «sans tabous». Le ministre de la Solidarité nationale se contente uniquement de faire le bilan budgétaire calculé sur la base de quelque 2900 dossiers traités jusqu'à présent. La cagnotte d'indemnisation est évaluée jusqu'ici à 15,6 milliards de dinars, mais dont la rallonge n'est jamais exclue, à en croire Djamel Ould Abbès. Au sujet du bilan de la «charte», même provisoire, Ould Abbès se fait désirer. Déficit en communication ou secret de polichinelle? Bref. Reconduit par le président de la République à la tête de la Cncppdh, Farouk Ksentini devra dire les «quatre vérités» à Bouteflika. Il reconnaît dans la foulée qu'un retard est accusé dans l'opération dite «tests ADN pour l'identification des enterrés sous X». «Ça ne dépend pas de nous, il faut qu'il y ait un laboratoire spécialisé et des gens formés pour la mission». Or, la police s'est dotée de cette institution et attendait des requêtes de justice pour entamer l'opération. D'ailleurs, l'une des principales missions que s'est assignée ce labo ADN de la Police scientifique est l'identification des enterrés sous X pendant la décennie 90. Ce sont quelque 3000 personnes environ et font partie de la «fameuse» liste des disparus. Un maillon faible existe quelque part, sinon une faille à l'échelle des responsabilités. Sur le rapport Ksentini figurent aussi d'autres questions si importantes. Un retard de plus qui s'ajoute à d'autre chapitres dits «de droits sociaux» que compte soumettre Farouk Ksentini au président de la République. C'est ce qui fait de l'Algérie un pays en perte de vitesse en matière de droits humains. Ce dossier de «droits sociaux» explique un déficit en matière de «droits de l'homme», d'après notre interlocuteur. Bouteflika est appelé à combler le vide et apporter un rectificatif, en sa qualité de premier magistrat du pays. Reconduit par le président sur l'épineux dossier des droits de l'homme et celui des disparus, Farouk Ksentini ne veut pas rester dans le flou d'une affaire qui date de «l'ère de la pierre taillée». L'Etat algérien doit assumer ses responsabilités et dire la vérité aux familles des disparus. C'est par cette étape que commencera le règlement définitif du dossier des disparus, à en croire le président de la Cncppdh. Car, au-delà des indemnisations décidées, les familles sont toujours dans l'attente de faire le deuil. Le rapport de Ksentini devra, également, traiter l'affaire du code de la famille ainsi que la réforme de la justice. Le président aura du pain sur la planche!