Originaire de Constantine, Oualid Khelifi, 31 ans, chef de projet El Foukr R'Assembly, nous présente aujourd'hui une de ses expériences hors du commun. Ce jeune, qui avait fini un tour du monde à l'âge de 24 ans, décide de se dévouer à l'Afrique à travers l'initiation de projets culturels qui auront pour objectif de consolider l'Africain du Nord comme le Subsahara dans sa culture africaine variée. L'exemple typique est Look South en anglais ou Chouf El Jnoub, le premier album produit par ce groupe composé d'Algériens, d'un ghanéen et d'un burkinabé. Avec ses périples à travers le monde et ses traversées subsahariennes à la recherche de soi et de l'aventure, Oualid Khelifi, 31 ans, devient pour bon nombre le voyageur le plus fou de sa génération. Issu d'une famille constantinoise de classe moyenne, il bénéficie en 2002 d'une bourse d'étude en Grande-Bretagne après avoir eu un bac avec mention, une destination qui lui avait carrément changé la vie. Car naît avec le désir de la découverte et de l'aventure, Oualid passe plusieurs années à voyager à travers le monde alors qu'il n'avait que 20 ans. Avec son simple passeport algérien et des moyens dérisoires, il passait parfois plusieurs semaines à travailler à chaque escale pour se payer d'autres voyages. Il avait sillonné plus de 40 pays à travers l'Amérique, l'Europe, l'Afrique et l'Asie. Pour n'en citer que quelques-uns, Oualid se rappelle de son voyage au Kosovo où il avait fait le clown pour les enfants après la guerre, traversé le Vietnam à vélo, échappé aux balles des militaires au Sénégal, passé plusieurs jours en bivouac, à marcher, à contresens, entre les grottes et les cascades et découvert le plus grand canyon du Brésil, dans le parc national de la Chapada Diamantira. Il finit par devenir journaliste et découvre sa passion pour la photo. Il décide, en 2011, de se dévouer à l'Afrique dont il découvre l'amour après tous ses voyages à travers le monde et recentre pleinement son énergie pour l'Afrique de l'Ouest où il exerce son métier et réalise ses projets culturels. «Après avoir fait tous ces voyages avec mon simple passeport ordinaire de citoyen algérien, j'ai décidé qu'il était temps d'aller voir au-delà de l'Amérique latine, l'Amérique du Nord et l'Europe. Il a fallu juste voir devant soi, chez nous, dans notre continent africain, explique-t-il. Je n'ai visité que 18 pays de l'Afrique, le tiers de notre vaste et beau continent. Je suis déterminé à voyager et bosser dans au moins 20 autres avant l'âge de 40 ans. J'ai neuf ans devant moi. Je le ferai.» Aujourd'hui, photographe et journaliste indépendant pour plusieurs chaînes et journaux du monde, Oualid, polyglotte, est devenu, par la force de l'aventure, photographe-documentariste, réalisateur, producteur et directeur artistique du projet El Foukr R'Assembly, un projet musical qui se produit sous le label et la boîte Afreekyama, dont Oualid Khelifi est co-fondateur. Là aussi, l'histoire de ce projet mérite livres et films documentaires. C'est l'histoire d'un projet musical dont les rythmes sont le mariage de toutes les musiques africaines. El Foukr R'Assembly est un groupe composé de membres rencontrés spontanément par Oualid Khelifi. L'un est taxieur, et l'autre ignorait qu'il pouvait faire valoir ses talents, c'est lui qui les avait rassemblés et leur avait offert de si belles aventures. Qui pouvait penser que de simples personnes pouvaient un jour se produire au-delà de leurs quartiers ou de leur pays ? Qui avait dit qu'ils feront des scènes et des concerts en Afrique subsaharienne et au pays de l'oncle Sam ? Pour commencer, le vocaliste principal du groupe, Amine Lehchili, était agriculteur et chauffeur de taxi (clandestin). Originaire de Constantine, il rencontre par hasard dans sa ville natale Oualid Khelifi. Amine est aussi vocaliste, luthiste et auteur-compositeur autodidacte. Des talents cachés jusqu'à l'âge de 30 ans. L'autre génie est lui aussi constantinois. Labib Benslama, graphiste designer est photographe de formation, il est lui aussi autodidacte en flûte, guitare et oud. Avant de commencer son aventure avec El Foukr R'Assembly, Labib avait produit en solo et composé quelques musiques de films et fondé entre autres la galerie d'art Kef Noun à Constantine. Du côté d'Alger, le groupe avait recruté Nazim Bakour, un jeune multi-instrumentaliste. Alors qu'il est toujours étudiant, Nazim fait de la guitare avec plusieurs jeunes formations algériennes avant de rejoindre El Foukr R'Assembly pour l'amour profond qu'il porte surtout à la musique ouest-africaine. Aujourd'hui, il souhaite s'imprégner de la high-life ghanéenne, l'afro-beat nigérian, la bossa brésilienne et d'autres musiques afro-universelles. Abdelatif Benmedjebari est à la fois ingénieur de son, technicien, arrangeur et artiste accompli en matière de mixing et mastering. Issu d'une famille bien établie dans les milieux diwane à Béchar, Abdelatif avait fait ses études à Alger et s'est graduellement imposé comme l'un des professionnels du son les plus qualifiés en Algérie. Sa touche sonore avec El Foukr R'Assembly avait contribué de façon singulière à l'authenticité du projet. Younes Kati est un percussionniste et batteur de Béjaïa. Excellant dans plusieurs genres, il avait exploré les sons variés des percussions nord-africaines et occidentales. Ayant joué avec plusieurs groupes de musique algériens, El Foukr R'Assembly avait beaucoup suscité la curiosité musicale de Younes. Le groupe lui avait ouvert les portes pour plus d'exploration, d'apprentissage et de maîtrise après toutes les rencontres réalisées avec des percussionnistes issus du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest. Mais l'équipe ne pouvait être au complet sans les musiciens subsahariens, et c'est le cas d' El Foukr R'Assembly. De son vrai nom Justice Nii Williams, Shikome est le chef percussionniste du groupe ethnique Ga, qui se produit souvent dans la capitale ghanéenne Accra, sa ville natale. Il est aussi chanteur et danseur professionnel après de longues années de formation au Théâtre national de son pays. En 2016, il a remporté le prix du meilleur instrumentiste du Ghana. Puis, il y a Adama Diarra qui, lui, vient d'une famille de griots dont la tradition orale remonte à plusieurs siècles. Au Burkina Faso, son pays natal, Adama avait appris pendant son enfance à jouer de la flûte, le xylophone, la percussion et appris le chant mandingue. Basé actuellement à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, Adama gagne sa vie non seulement en tant que musicien qui a fait le tour de l'Afrique de l'Ouest, l'Europe et les USA, mais aussi en fabriquant des objets artisanaux du Sahel et des instruments traditionnels. Aujourd'hui, tout ce beau monde ne fait qu'un. Ils rayonnent avec El Foukr R'Assembly. «L'idée du projet El Foukr R'Assembly ne m'est pas venue par hasard. Elle n'est pas non plus le produit d'une approche 'art-pour-art'. Elle s'est plutôt imposée très lucidement comme une urgence. Le détachement brut et contreproductif de nos voisins sub-sahariens est une fissure identitaire à confronter. Le choix de la musique et de film pour s'exprimer autour de cette problématique a été fait pour accéder à des audiences africaines plus larges et diverses, que ce soit au nord ou au sud du Sahara. Pour moi, en tant que directeur artistique du projet, la motivation principale est idéologique. Il s'agit de promouvoir la mobilité et les collaborations intra-africaines, pas seulement dans l'art, mais aussi dans toutes les industries», explique Oualid Khelifi. El Foukr R'Assembly avait sorti son premier album le 28 octobre dernier. Look South en anglais ou Chouf El Jnoub en dialecte algérien est un projet de six titres qui vous feront certainement voyager à travers les sonorités du désert algérien pour arriver à la région subsaharienne et vous invitera à savourer la diversité des sonorités africaines avec toute ses richesses. «Tout a commencé lors du concert que nous avions organisé en février 2015 à Accra, la capitale ghanéenne. Pendant que les musiciens faisaient les balances, le public était très étonnés de nous voir sur scène. Ecouter et reconnaître les rythmes ghanéens est une chose, mais l'imaginer avec des musiciens algériens en est une autre. Notre pays est très peu connu au Ghana, dont pas mal de gens me demandaient d'où on venait exactement, et comment se fait-il qu'on pouvait avoir un look et une couleur de peau assez variée entre des personnes venues du même pays. Un jeune avait fini par nous dire en rigolant que nous étions pour lui des Africains pâles», se rappelle Oualid. Après une tournée au Ghana et aux Etats-Unis d'Amérique, les talentueux d'El Foukr R'Assembly se produiront à partir du 13 décembre en Algérie, où ils feront un passage à Alger et dans d'autres villes algériennes.