Dans son quatrième rapport d'évaluation dévoilé mercredi dernier, le GAFI a salué les efforts et la qualité du travail fournis par la Cellule du renseignement financier (CRF) suisse, le MROS, qualifiant de «globalement bonne» sa coopération avec les autres autorités nationales. En particulier, «l'analyse effectuée par le MROS fournit une contribution utile et en temps opportun pour les enquêtes en cours et a également permis de détecter des nouveaux cas de BC et de FT», notent les évaluateurs. Toutefois, les jugeant encore trop faibles eu égard à l'importance de la place financière suisse, ils ont recommandé l'augmentation du nombre de communications de soupçons, et ce, bien que des records jamais égalés aient été atteints comparativement à l'année dernière. En effet, après ceux ayant marqué les années 2011 et 2014, c'est un nouveau record, des plus retentissants en termes de communications de soupçons de recyclage de fonds d'origine douteuse, que le Bureau a enregistré en 2015. En effet, et s'il a bondi de 35 % par rapport à 2014, le nombre de cas où a été suspectée l'origine criminelle des fonds, soit 2367, signalés par la puissante et très controversée place financière suisse, a, de loin, dépassé les 1625 communications transmises en 2011 (printemps arabe) ou encore les 1753 de 2014. En 2015, cette institution, qui joue un rôle de relais et de filtre entre les intermédiaires financiers et les autorités de poursuite pénales de la Confédération, a ainsi reçu environ neuf communications de soupçon, en moyenne, par jour ouvrable, fait-elle ressortir dans son 18e rapport, publié au printemps 2016. Mieux, le volume des dénonciations enregistré l'année dernière pèse presque le quadruple des cas signalés en 2006. De telles «prouesses» étaient inattendues. Le MROS, état-major section du département fédéral de police et justice (DFJP) n'en a jamais connues depuis sa création en 1998 et il les doit, en grande partie, à la collaboration active, ainsi qu'à la forte sensibilité à la lutte anti-blanchiment d'argent des intermédiaires financiers. En effet, ces derniers ont usé de leur droit de communiquer dans au moins 1346 cas, et c'en est une première, alors que dans 1021 autres cas, ils étaient soumis à l'obligation de partager avec le MROS -l'équivalent de la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF) algérienne-les informations sur les suspicions de blanchiment d'argent. S'agissant des sommes impliquées, l'année 2015 a connu une hausse non négligeable. Quid de l'affaire Sonatrach ? De 2,98 en 2013 et 3,34 en 2014, le montant des valeurs patrimoniales suspectes est passé à plus de 4,8 milliards de francs, un record jamais égalé et a même dépassé celui de 2011. Sous pression internationale et de plus en plus embarrassée par les innombrables atteintes à la réputation de sa place financière, la Confédération a renforcé depuis ces dernières années son dispositif de lutte contre le blanchiment d'argent. Mais, c'est surtout pour son secteur bancaire que les dégâts d'image ont été particulièrement dévastateurs. Raison pour laquelle, les banques helvétiques s'attellent à prouver au monde entier qu'elles n'étaient plus cet oasis idéal pour l'argent suspect. D'où le nombre sans cesse croissant de dénonciations transmises au MROS : 2159 en 2015 (91% du total de communications), contre 1495 en 2014, soit un bond de 44% que les limiers du MROS, expliquent par le traitement de plusieurs affaires complexes, dont quatre ayant suscité plusieurs communications en même temps. Et la provenance des fonds, objet d'annonces de suspicion de recyclage, émanant de la place financière où, outre les banques, interviennent essentiellement des entreprises fiduciaires, sociétés de transfert de fonds, négociants en devises, casinos, fondations, avocats, notaires, négociants en valeurs mobilières, gérants de fortunes/conseillers en placements, courtiers en matières premières et métaux précieux,etc. ? Contrairement aux années précédentes, c'est la corruption et non plus l'escroquerie qui a constitué, pour la première fois en 2015, l'infraction préalable au blanchiment d'argent ayant fait le plus l'objet de communications de soupçons. De 357 en 2014, le nombre de cas s'y rapportant est passé à 594. Plusieurs grandes affaires sont au cœur des préoccupations des autorités helvétiques, à l'image de celles concernant le groupe pétrolier brésilien Petrobras, l'ancien ministre grec de la Défense, Akis Tsochatzopoulos, ou encore les présidents déchus, Ben Ali et Moubarek. Or, bien que le cas Sonatrach soit, lui aussi, une autre grande affaire tout aussi complexe, en cours de traitement par aussi bien le MROS que les autorités judiciaires, et aient suscité la mise en branle, depuis au moins 2013, de plusieurs procédures d'entraide judiciaires et d'assistance administrative avec leurs homologues algériens, Berne veille toujours, et de la manière la plus scrupuleuse, à ne rien laisser filtrer à ce sujet. Idem pour les nombreux autres cas relatifs à certains compatriotes, notamment des Personnes politiquement exposées (PEP) et autres personnes apparentées, qui seraient propriétaires de comptes secrets en Suisse, ainsi que de sociétés écran, créées dans des paradis fiscaux, grâce à des intermédiaires exerçant dans la Confédération (Chakib Khelil, son épouse et ses deux enfants, Farid Bedjaoui, Reda Hemch, Omar Habour, etc.).