Selon Médecins du monde, «Alep est dans une situation d'urgence absolue : environ 100 000 personnes sont piégées sur un territoire de 5 kilomètres carrés». Le conflit syrien, où sont impliqués différents belligérants sur un territoire morcelé, a fait depuis mars 2011 plus de 310 000 morts. La reprise hier des combats à Alep entre l'armée syrienne et les insurgés après un court répit a douché les espoirs de milliers de civils désespérés d'être évacués des dernières poches rebelles. Après une pause de plusieurs heures, le régime a repris, en effet, ses raids aériens et tirs d'artillerie sur le réduit rebelle d'Alep, où des habitants terrifiés fuyaient dans les rues à la recherche d'un abri. Les Russes ont accusé les rebelles d'avoir déclenché à nouveau les hostilités, alors que le parrain de l'opposition, la Turquie, blâmait l'armée syrienne et ses alliés. Une perte d'Alep marquera la fin de la rébellion dans cette ville symbole dont elle avait conquis la partie orientale en 2012. En revanche, elle représentera la plus importante victoire de Bachar Al Assad et de ses alliés russe, libanais et iranien depuis le début de la guerre, en 2011. Dans cette atmosphère d'apocalypse, ce sont surtout les civils qui payent un lourd tribut. Des centaines ont péri alors que près de 130 000 ont pris la fuite depuis le début, le 15 novembre, de l'offensive de l'armée syrienne qui contrôle désormais 90% du territoire d'Alep. Selon l'ONG Médecins du monde, «Alep est dans une situation d'urgence absolue : environ 100 000 personnes sont encore piégées sur un territoire de 5 kilomètres carrés». Accusations mutuelles Avant la reprise des bombardements, des milliers d'entre eux attendaient d'être évacués des zones rebelles. Beaucoup d'habitants avaient passé la nuit sous la pluie faute d'abri. Tôt hier matin, une vingtaine de bus étaient stationnés dans le secteur gouvernemental du quartier Salaheddine, en vue de l'évacuation qui était censée commencer à 3h GMT. Mais celle-ci a finalement été suspendue en raison de désaccords entre les belligérants. D'après un responsable rebelle, Damas et son allié iranien ont «imposé de nouvelles conditions». «Ils veulent lier l'accord» notamment à une levée du siège par les rebelles des villages de Fouaa et Kafraya, sous contrôle gouvernemental dans la province d'Idleb. Selon le groupe rebelle Noureddine Al Zinki, l'accord prévoyait l'évacuation en premier «des blessés et des civils», suivis des insurgés avec leurs armes légères, dans les régions rebelles des provinces d'Alep ou d'Idleb. De son côté, une source proche de Damas a accusé les rebelles d'avoir cherché à augmenter le nombre des personnes évacuées de 2000 à 10 000. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé qu'il appellerait son homologue russe Vladimir Poutine pour tenter de «sauver la trêve». Déluge de feu L'accord d'évacuation avait été annoncé après quatre semaines d'un déluge de feu de l'armée syrienne qui a dévasté la partie orientale d'Alep et après le tollé international suscité par les atrocités qui auraient été commises contre les civils dans les quartiers repris par l'armée. Une reprise totale d'Alep permettra au régime de contrôler les cinq plus grandes villes du pays, avec Homs, Hama, Damas et Lattaquié. Un revirement rendu possible grâce au soutien de Moscou, de Téhéran et du Hezbollah libanais. Il semble cependant trop tôt pour dire que la guerre en Syrie est sur le point de connaître son épilogue. Une zone importante échappe toujours au contrôle de Damas : la province d'Idleb, fief de Fatah Al Cham (ex-front Al Nosra) et autres groupes terroristes. La reprise d'Idleb va vraisemblablement être le prochain objectif de l'armée syrienne. Une autre bataille d'ampleur et qui sera longue, car la zone est très peuplée, et on y compte 50 000 à 60 000 rebelles. Dans le reste du pays, des poches de résistance rebelles demeurent également, en particulier dans les villes de Douma et Harasta, dans la Ghouta, bastion de la rébellion, en périphérie de la capitale, Damas.