En acceptant de venir à Alger, Khalifa Haftar a sans doute fini par reconnaître, du moins le concernant, le poids de l'Algérie sur l'échiquier régional et son rôle dans le règlement de la crise libyenne. En recevant, hier à Alger, l'homme fort de l'Est libyen, le maréchal Khalifa Haftar, les autorités algériennes confortent leur statut de principal médiateur dans la crise libyenne aux côtés de l'ONU. Le ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue arabe, Abdelkader Messahel, que le président Bouteflika a désigné depuis près de 4 années pour gérer l'épineux dossier libyen, est aujourd'hui l'un des rares responsables dans la région à recevoir régulièrement dans son bureau les principaux acteurs du gouvernement d'union national basé à Tripoli et du Parlement de Tobrouk. Il ne restait plus que Khalifa Haftar, aujourd'hui à la tête d'une véritable armée. C'est désormais chose faite. Ce rôle de médiateur est revendiqué avec force par l'Algérie, qui s'estime en droit de faire partie de la solution. Le ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Ramtane Lamamra, a souligné à ce propos, hier à partir d'Oran, qu'Alger «considère que les frères voisins libyens ne devaient pas être les seules parties du problème et que les pays voisins pourraient collectivement être des parties de la solution». «Ces pays ont le droit de faire partie de la solution à la crise en Libye, parce que ce sont eux qui vivent les conséquences préjudiciables immédiates de cette situation», a-t-il soutenu, tout en rappelant l'importance de l'initiative lancée par Alger, en mai 2014, pour la constitution d'un groupe des pays voisins pour la Libye. En acceptant de venir à Alger, Khalifa Haftar a sans doute fini par reconnaître, du moins le concernant, le poids de l'Algérie sur l'échiquier régional et son rôle dans le règlement de la crise libyenne. Le gros du travail consistera désormais pour Abdelkader Messahel de le persuader à respecter l'esprit des accords interlibyens du 17 décembre 2015. Mais, semble-t-il, nous n'en sommes pas encore là. Les Algériens qui entament, officiellement, leurs premiers contacts avec l'ancien officier supérieur de l'armée de Mouammar El Gueddafi se sont limités, pour cette fois, à clarifier à leur interlocuteur leur position sur la crise et à faire le point «exclusivement sur les développements de la situation politico-sécuritaire que connaît la Libye et les moyens à même d'encourager le rétablissement rapide de la stabilité et de la sécurité dans ce pays». Les avertissements de l'ONU L'occasion a été saisie également pour dissiper les malentendus éventuels. Les autorités algériennes ont certainement dû expliquer ainsi au maréchal Haftar qu'elles ne sont pas là pour jouer une partie libyenne contre une autre, mais que leurs efforts sont plutôt destinés à encourager tout le monde «à atteindre un accord consensuel pour le règlement de la crise». Le maréchal Haftar, qui a souvent invoqué les périls terroriste et islamiste comme arguments pour ne pas verser ses unités dans l'armée du gouvernement d'union en cours de création, ne peut, dans tous les cas, pas accuser les Algériens de vouloir chercher à le jeter dans la gueule du loup du moment où ils sont depuis longtemps en première ligne dans la lutte contre le terrorisme dans la région. Ce détail devrait suffire au général Haftar pour regarder Alger, à l'avenir, avec beaucoup moins de méfiance. Cela peut être déjà le cas. Il se peut même qu'il soit venu à Alger avec un nouvel état d'esprit. Autrement, il aurait certainement fait l'économie de ce déplacement. Cela vaudrait mieux pour les Libyens dans la mesure où le statu quo dans lequel est actuellement embourbée la Libye s'inscrit plus dans une logique de guerre que de paix. A ce propos, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a encore appelé hier les Libyens qui ne sont pas engagés dans l'accord politique à s'y joindre. «Le chemin vers la paix est long et exige beaucoup de travail et d'engagement», a-t-il insisté. M. Ban a averti que la lenteur de la mise en œuvre de l'accord, signé le 17 décembre 2015, n'a pas apporté la stabilité et la sécurité «dont le peuple libyen a besoin et qu'il mérite». Le maréchal Khalifa Haftar autant que le Parlement de Tobrouk sont interpelés au premier chef.