Depuis des mois, la sonnette d'alarme est tirée par les experts, les observateurs et l'opposition politique sur les limites de la gestion par les autorités de la grave crise économique et sociale qui affecte le pays depuis l'effondrement des prix du pétrole. Les commerces ont commencé à rouvrir hier dans plusieurs localités de la wilaya de Béjaïa après une fermeture, pour cause de grève voulue ou forcée, qui a duré au moins deux jours. C'est un retour progressif à la normale, alors que la région a retrouvé son calme pendant toute la journée d'hier, à l'exception de Sidi Aïch où les hostilités ont repris soudainement, au milieu de l'après-midi et où la veille un CEM a été visité par les émeutiers. Dans la ville de Béjaïa, l'activité commerciale n'a pas été totale. A Tazmalt, la reprise a été plus importante. Elle a pris prétexte d'un communiqué signé par un collectif de cinq associations, dont deux relevant du secteur sportif. Relevant que les commerçants de la ville «ont unanimement observé une grève» depuis le 2 janvier, partie pour s'étaler «jusqu'au 7 du même mois», le collectif a pris la peine de dire d'abord comprendre les «objectifs initialement prévus par les commerçants défendant légitimement leurs droits». Et de faire le constat «que cette grève a été malheureusement sanctionnée par de graves dérapages, ayant conduit à la destruction des édifices publics». De peur de voir la situation «immaîtrisable» et «pour parer à toute éventualité dramatique», le collectif a misé sur «la prise de conscience qui a toujours caractérisé nos commerçants» pour espérer qu'ils reprennent le service. «Nous sommes sûrs qu'ils finiront par (faire) prévaloir la sagesse en optant pour la décision la plus juste : il s'agit de la suspension pure et simple de ladite grève, cela constitue inévitablement la meilleure solution pour que les choses reprennent leur cours normal», écrivent les cinq associations qui ont assuré les commerçants de les accompagner dans leur «action d'ouverture». Leur appel a été entendu dans un contexte de tension aggravé par l'arrestation, au premier jour des émeutes, d'une quinzaine de jeunes de la ville. Ils n'ont été libérés qu'avant-hier après une forte insistance des représentants de la population. Un même appel pour la reprise des activités dès hier a sanctionné une rencontre organisée par l'association des commerçants de la commune d'Akbou. La réaction de l'association est mue par, entre autres mobiles, le constat «que l'appel à la grève n'a pas été suivi (sur) l'ensemble du territoire national et qu'elle a pris au sein de notre commune une ampleur désastreuse et créé un climat de tension au sein de notre population». Cet appel d'Akbou finit sur un ton ferme. Les rédacteurs du document ont tenu «à exiger des pouvoirs publics à assurer la sécurité des biens privés et publics de la commune». Bien que le communiqué par lequel l'appel a été rendu public soit laconique, la plupart des commerçants n'ont pas eu besoin de plus que cela pour relever les rideaux de leurs commerces. Comme à Tazmalt et ailleurs dans la wilaya, on s'est accroché à la première occasion de sortie de crise. Des arrestations à la pelle Cependant, des rideaux de commerces ont été gardés baissés, le temps de s'assurer que le risque d'émeute est suffisamment écarté, surtout dans les villes où les dérapages ont installé un climat de peur. Il faut dire que dans la ville de Béjaïa, la population locale a vécu, la veille, une nuit d'émeutes très mouvementée qui a duré jusqu'à une heure tardive. Les affrontements entre les manifestants et les forces de l'ordre ont occupé un plus grand espace en s'étendant au quartier de Amriw et vers la route de Sidi Ahmed. La tension a failli prendre aux alentours des cités universitaires. Les renforts des forces antiémeute ont été visibles dans la rue. De nombreuses arrestations ont été opérées parmi les manifestants et se sont poursuivies hier, même après le retour au calme. A Akbou, des témoins rapportent que des éléments de la BRI, en ronde avec plusieurs de leurs 4x4, ont embarqué plusieurs jeunes qui étaient en groupes dans différents endroits de la ville. Mais, il semble que le gros des arrestations a eu lieu dans la ville de Béjaïa, y compris parmi ceux soupçonnés avoir participé aux pillages de certains magasins dont surtout celui des produits Condor. On avance le nombre de centaines de personnes arrêtées par la police. Au niveau de la sûreté de la wilaya, on ne veut pas communiquer. «On n'a pas terminé toutes les procédures» nous répond, non convainquant, un présupposé à la «cellule de communication». Ils seraient quelques centaines de jeunes à avoir fait objet de PV d'audition, dont certains auraient été raflés abusivement. Pour éviter de se faire embarquer, les émeutiers ne se font pas soigner dans les structures de santé. Lorsqu'ils le font par urgence, ils prennent le soin de ne laisser aucune trace de leur passage. Les services du CHU n'ont enregistré aucune admission parmi eux. Le bilan que nous avons pu avoir par l'intermédiaire de la cellule de communication du CHU fait état de 26 policiers blessés, dont presque la moitié lors de la première journée d'émeute. Les services des urgences font état de plaies, de traumatismes et de fractures.