A la veille d'une année que l'on qualifie déjà de difficile, l'ONS a levé le voile sur une inflation de 6,2% en glissement annuel octobre 2015 - novembre 2016. Quelle serait, selon vous, la tendance en 2017 ? Pour être précis, l'inflation, c'est-à-dire l'augmentation des prix entre novembre 2015 et novembre 2016 au niveau national, a été de 7,3%. De façon singulière, la communication parle de glissement annuel de l'inflation et se réfère à la ville d'Alger, au lieu de l'indice national. C'est une hausse significative de l'inflation, car cette dernière n'a été plus élevée qu'en juillet 2016, et il faut revenir aux années 2012/2013 pour retrouver des niveaux d'inflation entre 8% et 12%. Pour 2017, il est probable que nous aurons des tendances inflationnistes. Ce ne sera pas tant dû aux augmentations de taxes et prix de la LF-2017 qui se sont déjà reflétées dans les prix en décembre 2016 pour la plupart. Car, bien que certains semblent s'en étonner, les études macro-économiques montrent que c'est un phénomène répandu (au niveau historique et mondial) que l'inflation se reflète avant la mise en œuvre d'une augmentation de la TVA. Il était donc prévisible que les prix de certains produits augmentent avant l'application des nouvelles taxes le 1er janvier 2017. On a entendu évoquer des comportements «illégaux» à cet effet, alors qu'il s'agit tout simplement de phénomènes économiques connus des économistes sérieux et très prévisibles. Le risque inflationniste, pour 2017, viendrait plus des éventuelles dépréciations du dinar et des tentations de création monétaire (planche à billets) pour financer les déficits budgétaires dont le financement reste toujours inconnu pour 2017 et les années suivantes. L'autre élément pouvant alimenter l'inflation, ce sont les restrictions de l'offre pour les produits importés. Les quotas sur les importations de véhicules ont naturellement poussé les prix à la hausse et cela peut se répercuter sur le prix de plusieurs produits (coût du transport). Si la dépréciation du dinar a été à la source des tensions inflationnistes observées en 2016, la baisse des subventions et la pression fiscale que fait subir la LF-2017 vont-elles jouer le rôle de facteur aggravant durant cet actuel exercice ? Une grande part des augmentations ont déjà dû être reflétées dans les prix. C'est la dépréciation du dinar qui a le plus grand impact. On parle de 2% d'augmentation pour la TVA. Lorsque le dinar a été déprécié par rapport au dollar américain en 2015, cela a été de l'ordre de 20%. L'effet est incomparable. Les prix sont-ils devenus un objectif secondaire pour la Banque centrale qui fait de l'amortissement de l'impact du choc externe sur les positions financières du pays une mission de première importance? Assurer l'équilibre de la balance devise, c'est là la mission naturelle d'une Banque centrale. Le levier pour cela c'est la dépréciation du dinar. La stabilité des prix et de l'emploi représente des objectifs qui sont très difficiles à atteindre dans le contexte actuel. Beaucoup de leviers ne dépendent pas de la Banque centrale. On a pris tellement de retard en tardant à faire des réformes pour parer à une situation qui était clairement prévisible il y a cinq ans. Cours du dinar et taux d'intérêt et autres moyens de gestion monétaire sont les leviers que peut utiliser la Banque centrale. Mais sa marge de manœuvre est limitée. Les déficits budgétaires vont mettre de la pression pour faire fonctionner la planche à billets. Le levier des taux d'intérêt ne fonctionne pas trop, car le système financier est «grippé» par une fonction de crédit qui n'est pas fluide et une grande partie des banques qui sont encore publiques. Comment voyez-vous le comportement des ménages et des entreprises en 2017 si l'inflation venait à augmenter davantage ? Les ménages et les entreprises comprennent intuitivement l'économie, sans discours savants, ni langue de bois. On le voit bien avec l'augmentation des prix qui a précédé l'entrée en vigueur de la nouvelle TVA. Ils ont augmenté leurs stocks et anticipé leurs achats. Maintenant, pour 2017 et les années suivantes, le risque de baisse de l'activité économique et son impact sur l'emploi sont le plus inquiétant. La commande publique a baissé, les entreprises liées aux projets d'infrastructure ont des factures payées auprès de l'Etat, leur carnet de commandes ne se renouvelle pas. Dans quelques mois, ce sont les conséquences de cela que l'on verra sur le marché de l'emploi.