Auteur prolixe d'une dizaine d'ouvrages tels que le best-seller Lakhdar Belloumi, un footballeur algérien, ou encore Comme des ombres furtives et Chronique d'une élection pas comme les autres, Hamid Grine vient de signer un nouveau livre, son tout premier roman, intitulé La dernière prière Après une dizaine d'ouvrages, vous vous essayez au roman en signant La dernière prière paru aux éditions Alpha et l'on sent que vous êtes à l'aise dans cet exercice de style littéraire... Je pense qu'il y a une seule forme d'écriture. Si l'on écrit bien, on écrit dans tous les genres. Quand j'entends des gens dire ‘'c'est un très bon romancier mais c'est un mauvais essayiste'', je pense qu'ils ne parlent pas du style, mais du fond, parce que le style romanesque n'est pas différent de celui d'essayiste si on consigne des phrases courtes, ciselées, maigres, comme les aimaient Flaubert, c'est-à-dire où il n'y a pas d'adjectifs, pas d'épithètes, pas de gras... Donc, l'écriture de La dernière prière n'est pas romancée. C'est l'histoire qui est romancée. C'est un roman fluide qui se lit d'un seul trait... Oui, justement. Il y a une phrase qui me fait plaisir. Celle de beaucoup de lecteurs et journalistes : ‘'Quand on commence à vous lire, c'est comme si on est sur un tapis roulant.'' En psychologie, on dit que l'emphase est synonyme d'absence de talent. La simplicité, c'est le talent. Prenez l'exemple d'André Gide, Montherlant, Albert Camus...Un livre est bien ou mal écrit. On peut trouver des défauts à mon livre. Il n'y a pas une œuvre qui soit parfaite à part le Coran. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas l'avis des intellectuels mais celui du public. S'il est apprécié par une seule personne, cela me suffit. La trame de l'histoire de La dernière prière est celle d'un journaliste, Hawas, un personnage ambigu, au début des années 1990, avec la montée de l'intégrisme, l'intolérance... Il est épicurien et cynique, il a de l'humour et il aime Dieu... Je pense que Hawas, contrairement à des personnages de roman, est un être de chair et de sang, de feu et d'eau. C'est un être contradictoire. Son avantage, c'est qu'il n'est pas masqué. Il y a des passages où il adore les fidèles du parti islamiste. Il y a des moments où il vomit les démocrates. Il ne se situe pas par rapport à un parti politique, mais par rapport à des valeurs. Il n'est pas manichéen... Ce n'est pas quelqu'un d'extrémiste. Sa femme, Hawa, l'était. La gauche pure et dure qu'il appelle la gauche caviar. Mais lui n'est ni de gauche ni de droite. Il est du centre. Pour moi, en toute modestie, je pense que Hawas est un personnage de roman des plus algériens. Moi, j'écris pour les Algériens. Ce n'est pas un citoyen du monde comme Casanova mais un citoyen d'Algérie. Je revendique mon algérianité : Juba, Jugurtha, saint Augustin, l'émir Abdelkader, sidi Okba... Dans votre roman, vous usez du name dropping de noms d'écrivains et d'artistes comme Dostoïevski, Camus, Mahmoud Yassine, Marcello Mastroiani, Marlon Brando, Jacques Brel... J'ai toujours eu besoin de fortifiants dans ma vie. Je suis un peu comme Hawas qui essaie de chercher sa voie. J'ai toujours cherché une nourriture de l'esprit pour garder l'espoir. Les écrivains que je cite, bien entendu, ce sont des auteurs que j'aime. L'écriture de votre roman s'articule autour de flashs-back comme dans un film... C'est vrai. Si vous l'avez remarqué, le livre est très cinématographique. Il est écrit comme un scénario. Cela est dû à mes années de concepteur et rédacteur à l'étranger. Ce sont des images cinématographiques. Je ne décris pas beaucoup les hommes. Je laisse les lecteurs imaginer. Pourquoi le choix de La dernière prière comme titre ? J'invite les gens à lire ce roman, parce que le grand cheikh (personnage du roman) dit à Hawas : ‘'Mourez avant de mourir !'' C'est un hadith du Prophète (QSSSL). Mourir veut dire se débarrasser de toutes ses passions ou mourir tout de suite. Et Hawas fait sa prière comme si c'était la dernière. Comment trouvez-vous le temps pour écrire avec toutes vos charges professionnelles et familiales ? La solution, c'est la persévérance, la discipline. Il faut s'avoir rester à sa table pendant six heures. Quand je rentre chez moi à 20h, j'écris. Mais pas tous les jours. L'acte cursif, c'est pour exorciser mes démons intérieurs et aussi parce qu'on aime écrire. Cette chose-là est une précieuse passion. La dernière prière - Hamid Grine Editions Alpha (2006) - 353 pages