A moins de trois mois du premier tour de l'élection présidentielle, le casting est encore en évolution. Jamais une telle situation n'était intervenue en France. Aucun scénariste n'aurait eu assez d'imagination pour l'envisager. A droite, longtemps la candidature d'Alain Juppé, ancien Premier ministre, ne faisait pas l'ombre d'un doute. Il gagnerait la primaire de la droite contre l'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy. Coup du sort, en novembre dernier, c'est François Fillon, ancien Premier ministre, qui sort du chapeau et Sarkozy est éliminé du premier tour de la primaire. Dans la foulée, du côté de la gauche au pouvoir, l'annonce de la candidature de François Hollande n'était plus qu'une question de jours. Malgré son impopularité, l'actuel président de la République aurait, disait-on, une carte plus humaniste à jouer face à la dureté du programme ultralibéral et quelque peu antisocial de Fillon. On se trompait. François Hollande renonça, poussé au retrait par son Premier ministre, Manuel Valls, qui s'y voyait déjà. La primaire de la gauche socialiste démarre et, coup du sort, Valls est éliminé par l'aile gauche du parti, incarnée par Benoît Hamon. Avec lui, ceux qui longtemps étaient considérés comme les frondeurs, en opposition avec la ligne Valls-Hollande, devenaient la majorité, s'ils s'alliaient avec Jean-Luc Mélenchon, l'autre candidat déclaré de la gauche, avec le soutien du Parti communiste. Dernier bouleversement depuis une dizaine de jours, des fuites dans la presse concernant des abus de biens publics de François Fillon qui aurait indûment salarié son épouse Pénélope et deux de ses enfants encore étudiants il y a quelques années. Avec, chaque jour, son lot de nouveaux éléments qui alimentent ce «Pénélopegate». Celui qui était largement favori n'est plus désiré que par 40% des personnes interrogées dans un sondage paru hier. 61% estiment qu'il devrait renoncer à se présenter. Pour l'instant, François Fillon fait face au choc et dit qu'il ira jusqu'au bout, sauf mise en examen. Malgré tout, certains dans son camp le poussent vers la sortie, levant peut-être le voile sur les commanditaires. Le premier à avoir dit haut et fort qu'il faut se débarrasser de Fillon, dès mercredi dernier, n'est autre qu'un Sarkoziste de la première heure, le député Georges Fenech : «J'avais parlé du Titanic… Nous sommes en-dessous de la ligne de flottaison, là ! Si on ne se redresse pas dans les tout prochains jours, on coule.» Ce député n'est pas seul. Une tribune est parue jeudi dans Le Figaro. De là à dire que Sarkozy est à la manœuvre, via son réseau qui lui est acquis ? Certains, dans les rangs de la droite, le disent discrètement. Fillon préfère, sans aucune preuve, avancer que le gouvernement aurait tout fomenté, depuis l'Elysée. En tout cas, selon le quotidien Le Parisien, Nicolas Sarkozy est heureux. Un proche de l'ancien Président lâchant : «Il savoure, on le sent qui rigole.» Pourtant, alors que la droite devra probablement rapidement choisir un autre candidat si elle veut figurer au second tour de la présidentielle, tous les scénarios sont possibles et les rebondissements sont encore à prévoir. Sarkozy oserait-il revenir ? FILLON «A PERDU SON CREDIT. IL DOIT SE RENDRE à L'EVIDENCE» François Fillon parlait de «coup d'Etat institutionnel», visant explicitement le président Hollande. Sauf, qu'apparemment, le coup d'Etat provient aujourd'hui de son camp. Le Marseillais Renaud Muselier, député européen, résume en estimant que François Fillon «a abusé du système et d'un point de vue moral, les Français ne pourront pas l'accepter. Il a perdu son crédit. Il doit se rendre à l'évidence». Son renoncement si près de l'échéance serait une première en France. En tout état de cause, un candidat parachuté devra atteindre la stature d'incarner la droite. Du côté centre-droit, François Bayrou, plusieurs fois candidat à la présidentielle, pourrait profiter du creux de la vague du «Titanic» de la droite en train de prendre l'eau. Ce qui est prévisible, c'est que le candidat de droite, que ce soit Fillon aujourd'hui très démonétisé ou un autre, fera face à une gauche sur pied, combattive mais pour l'instant divisée (rien ne dit qu'une union ne se fera pas !) ainsi qu'au transfuge du hollandisme, Emmanuel Macron, auquel les sondages prédisent un bel avenir. Tous devront aussi s'opposer à Marine Le Pen pour le Front national, toujours en tête des sondages. Elle qui est donnée perdante au second tour, quel que soit son challenger. C'est le seul élément qui ne change pas depuis plusieurs mois. Aucun nouveau scénario n'est pourtant plus à écarter.