Mohand Tilmatine, docteur en linguistique, langue et littérature romaines, a animé dernièrement le Café littéraire organisé par l'association culturelle Tawinine (Les Sources), du village de Ouizgan, dans la commune de Bouzeguène, à une soixantaine de kilomètres à l'est de Tizi Ouzou. Le sujet traité a intéressé la nombreuse assistance, tant il traite de l'histoire et de la culture amazighes. Sous le thème «Politique linguistique et toponymie : quelle place pour l'amazighité en Algérie ?», M. Tilmatine a dressé un constat négatif sur la situation de la toponymie berbère en Algérie. Pour lui, reconnaître une langue sans sa toponymie réduit considérablement son importance. «Des avancées notables ont été enregistrées quant au statut de la langue, mais la situation n'est pas satisfaisante. Reconnaître une langue sans sa toponymie, réduit considérablement son importance. Depuis l'indépendance, les gouvernants ont, de tout temps, posé une véritable chape de plomb sur la politique toponymique», dit M. Tilmatine. Selon lui, cela constitue pour «le pouvoir un danger pour l'unité du pays et donc un facteur de division». Le conférencier dira, par exemple, que la transcription en tamazight sur les frontons des mairies n'est pas reconnue officiellement, mais le gouvernement laisse faire. «Une langue sans sa toponymie est vidée de son sens. L'Etat algérien continue d'utiliser les noms francisés ou arabisés des lieux, car pour les gouvernants, la diversité des langues est une menace. On continue toujours d'utiliser ‘Beni' au lieu de ‘Ath' comme pour Beni Zikki au lieu de Ath Zikki», a-t-il ajouté. Le débat a permis de dresser un constat accablant de noms berbères qui tendent à disparaître. «La toponymie est une partie intégrante du patrimoine immatériel. Si c'est une question de souveraineté pour le pouvoir algérien, elle l'est aussi et davantage pour les Berbères qui ne veulent pas perdre leurs repères», a souligné M. Tilmatine.