La polémique enfle sur les deux projets de joint-venture algéro-américains lancés dans le secteur agricole. Les projet, ambitieux, ont été l'objet de critiques sévères quant à leur crédibilité. Le projet de partenariat dans le domaine agricole, liant dans le sud du pays les groupes Tifra Lait et Lacheb à une compagnie américaine American International Agricultural Group (AIAG), est au centre d'une vive polémique suite à la publication d'une enquête effectuée par un économiste émettant de nombreuses critiques sur ce projet et ses initiateurs. Le spécialiste des questions financières, Ferhat Aït Ali, dans un travail d'investigation édité par le site Maghreb Emergent, décortique dans le détail l'identité du partenaire américain et le business plan du projet en affirmant que la partie algérienne pourrait être embarquée, par force avec engagement financier (800 millions de dollars), dans un projet aux contours douteux. «Ce qui est dénommé AIAG est une coquille vide», affirme Ferhat Aït Ali. L'économiste indique que l'investisseur américain «n'a aucune spécialisation dans le domaine agricole et surtout pas désertique». Il note que «les actifs, le site web, l'adresse du siège ainsi que le passé fiscal, bancaire et d'affaires de ce groupe supposé ne laissent en aucun cas entrevoir qu'il dépasse le cadre d'une Sarl sans capital précis, plus spécialement créée pour ces projets algériens que versée dans cette activité bien avant». Aït Ali arrive aussi à faire le lien entre le patron de l'AIAG, Ted Ayash, et le programme Mentors and protégés lié à des branches de la sécurité américaine. Il est formel, l'AIAG «ne pourra jamais lever des fonds avec ses actifs, son statut et son envergure actuelle… Le contrat est vicié et peut être dénommé comme on veut, mais pas comme une joint-venture». L'économiste affirme en outre que les projets d'El Bayadh et d'Adrar peuvent nécessiter le pompage en eau «chaque année de l'équivalent du barrage de Beni Haroun sans aucune garantie de résultat». Et d'ajouter : «Pour nourrir en même temps un cheptel, de nature à produire 190 millions de litres de lait et 20 000 tonnes de viande, il faut tabler sur place pour un cheptel global de 22 000 vaches laitières et de 100 000 bovins, soit des besoins en terres pour le fourrage uniquement de l'ordre de 110 000 hectares, soit 770 millions de mètres cubes d'eau, par projet et 1,4 milliard pour les deux.» La firme américaine AIAG et le responsable du conseil d'affaires algéro-américain n'ont pas tardé à répondre aux accusations d'Aït Ali. «AIAG est une société réelle et solide basée aux Etats-Unis… Elle est en règle avec son institution financière… Elle a réuni un consortium de sociétés américaines de premier plan pour apporter une solution intégrée à ses mégaprojets», indique la réponse de l'AIAG à Maghreb Emergent, avant d'inviter les médias pour la mi-mars à El Bayadh afin d'«observer et juger par eux-mêmes la plantation de la première phase de notre projet de 20 000 hectares». Smaïl Chikhoune, pour sa part, apporte une mise au point aux propos d'Aït Ali, en notant que si son article «était accompagné de l'expertise d'un agronome pour éclairer l'opinion publique sur l'importance ou non, la viabilité ou non de ces projets ; là on se serait peut-être même inspiré de ses connaissances pour revoir, s'il y a lieu, les données et la méthode à suivre». Ce à quoi Aït Ali a répondu : «Ces propos renforcent mes appréhensions.» Affaire à suivre.