Un bonheur aussi pour le public, averti en général par un autre album de bandes dessinées (BD), tout en kabyle et en couleur, intitulé Aqejmamar, autrement dit le vieil avare. Dans cet album, notre bédéiste narre une des histoires légendaires que contaient jadis les grands-parents à leurs petits-enfants en Kabylie, notamment durant les longues nuits d'hiver, autour de l'âtre du foyer, à la chaleur des braises et des tisons incandescents. Dans ce genre d'ouvrage, dira l'auteur, «l'enfant découvre à coup sûr à travers toutes les images burlesques, les caractéristiques de ses grands parents, en remarquant en plus une «initiation» facile de contacts amicaux entre l'humain et l'animal, farouche ou domestique, une autre façon de baigner l'enfant dans l'éducation écologique. Et c'est là que la curiosité du jeune lecteur est incitée à entrer dans un tel monde, poussé par son désir de lire pour mieux comprendre le récit, avec des images s'apparentant quasiment à l'identique, à la vie de ses parents». De cette façon, estime l'auteur, «l'enfant finira par aimer lire, d'abord sa langue maternelle, puis autant qu'il en faut d'autres langues, ce qui l'épargnerait certainement de l'abrutissement que provoquent aujourd'hui chez nos enfants, et même chez des adultes, certains jeux vidéo et télé, que je qualifierais de «mortels» pour des générations. «J'ai été subjugué par la sentence du regretté Kateb Yacine» De tout temps accro de «la langue tétée de la poitrine de ma génitrice, j'avoue que cette passion, qui m'anime aussi pour toute langue qui risque l'extinction, s'est amplifiée un peu plus depuis que j'ai vu au musée du Bardo, à Alger, à l'âge de 17 ans, le squelette de Tin Hinan, la reine targuie. En ce squelette, j'ai vu avec émotion mes propres racines, à l'issue de moult autres visites. D'ailleurs, après mon mariage et à la naissance de ma fille aînée, nous n'avions pas hésité, moi et ma femme, à lui donner le prénom de cette princesse, ancêtre berbère des Touareg», dira l'auteur, qui a donné encore à ses deux puînés des prénoms amazighs (Amayas et Iliane). Il ajoute : «J'ai été subjugué par la sentence du regretté Kateb Yacine lorsqu'il avait dit : ‘‘J'ai appris et étudié le français pour dire aux Français (de la colonisation, ndlr) que je ne suis pas un Français''. De mon côté, je ne cesserai pas de dire aujourd'hui aux Amazighs, en tamazight, que je suis un Amazigh. Et dans ce sens, Dieu m'a gratifié du don de dessinateur – M. Bentaha est un autodidacte dans le domaine de la bande dessinée, ndlr –, aussi, rien ne m'empêchera de consacrer mon talent, dans ce don, à la langue, aux langues, de mes parents, de mon pays. J'en suis redevable…» Notre interlocuteur remercie vivement son ami Fahim Messaoudene du village Iguersafene pour «sa précieuse aide dans l'écrit et la correction de mes œuvres». Le bédéiste de Cheurfa n'Bahloul (Azazga), qui a eu, en octobre dernier, le prix du «Jeune talent» en participant au concours (9e édition) du Festival international de la bande dessinée (Fibd) d'Alger, a déjà édité deux autres albums intitulés Amicalement votre (2013) et Aêzzi akkud Aêzzul (2016), aujourd'hui épuisés. Aqejmamar, édité sur 20 pages à 2000 exemplaires aux éditions Assirem de Bouira, est cédé au prix public de 200 DA.