Le patron du RND juge que «les excuses sur le crime colonial sont importantes, mais elles ne sont pas le noyau de notre relation avec la France». A l'opposé de ses «alliés stratégiques» au sein du gouvernement, Ahmed Ouyahia aborde la question de la colonisation — qui a refait surface à la faveur des déclaration d'Emmanuel Macron — sans faire de surenchère. Dans une interview-fleuve accordée, hier, au confrère arabophone El Khabar, le patron du RND, en commentant les propos de Macron tenus à Alger, estime que «les excuses sur le crime colonial sont importantes, mais elles ne sont pas le noyau de notre relation avec la France». Prenant le contre-pied du discours «nationaliste» en vogue, à chaque fois qu'il s'agit de questions mémorielles, M. Ouyahia assure que la priorité «est de préserver notre mémoire avant de réclamer des excuses du colonisateur d'hier. Et le plus important est de consolider notre pays». Rappelant l'attachement de son parti au «consensus algérien» sur les excuses de la France pour les crimes commis en Algérie, le secrétaire général du RND admet, par ailleurs, que «la réalité est que les Français ont fait un pas dans ce sens, à commencer par leur ambassadeur en 2003, puis les déclarations de Hollande lors de sa visite d'Etat en 2012. Mais pour nous au RND, nous estimons que la priorité est à la construction de notre pays et le renforcement de notre position est de se débarrasser de la dépendance financière et technologique à l'extérieur». «Plus notre prestige s'élève, plus nous grandissons aux yeux des autres. Je pense que c'est cela le message des martyrs», renchérit Ahmed Ouyahia qui se désole du fait que les nouvelles générations ne connaissent pas bien «le sens du 18 février (Journée du chahid)». La faute à qui ? Ouyahia ne va pas jusqu'à expliquer le pourquoi de cette «ignorance», au risque de se retrouver à assumer la responsabilité de l'Etat dans sa conception d'écriture et d'enseignement de l'histoire nationale qui aura servi d'instrument idéologique et de légitimation du pouvoir depuis l'indépendance. Surfant sur nombre de sujets qui dominent l'actualité nationale, et avec son légendaire aplomb, Ahmed Ouyahia balaie d'un revers de la main toutes les questions et critiques qui lui sont adressées. De la fraude massive des législatives de 1997, de la réforme de la justice qui n'a jamais vu le jour, de son rapport aux islamistes, de l'interdiction faite à Ali Benhadj de quitter le territoire d'Alger et bien d'autres sujets, le chef du RND trouve la parade. C'est le cas quand le journaliste d'El Khabar l'interroge sur l'affaire de Kamel-Eddine Fekhar et d'autres citoyens en détention provisoire depuis 20 mois sans procès. S'il se dit «prêt à répondre à la convocation de la justice» comme le réclame la défense du docteur Fekhar, Ouyahia refuse de commenter l'affaire en elle-même parce qu'elle est «entre les mains de la justice». Cependant, quelques paragraphes plus loin, et sans attendre les conclusions de l'instruction judiciaire, il accuse des milieux français et marocains d'actionner le Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie et du M'zab. «Les mains étrangères sont évidentes et avec des preuves. Qui finance le MAK et où se trouve-t-il, qui est derrière le Mouvement de l'autonomie du M'zab ?» s'interroge Ahmed Ouyahia avant d'affirmer que «la France et le Maroc sont derrière ces deux mouvements». Evoquant le cas du journaliste Mohamed Tamalt mort en prison, le patron du RND juge que «Tamalt n'était pas emprisonné en tant que journaliste». Ahmed Ouyahia, qui passe aisément de patron du RND à celui de directeur de cabinet de la présidence de la République et inversement, n'a pas manqué de lancer quelques flèches à l'égard de certains de ses collègues. Comme celle qu'il adresse au ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra. Ce dernier qui a «inventé» le concept de «l'exportation de son expérience de lutte antiterroriste et de sécurité» a été quelque peu tancé par Ouyahia. «Effectivement, nous exagérons en la matière. Nous avons d'autres choses à exporter que la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme ; comme notre conception de l'unité arabe, l'intégration économique et politique en Afrique et la réforme des Nations unies», préconise le secrétaire général du RND.