Dans une longue lettre adressée au ministre des Transports, le Syndicat des travailleurs de Cnan-Nord, filiale de la Compagnie nationale algérienne de navigation (Cnan), a dénoncé avec virulence la désignation récente d'un ancien cadre de la compagnie à la tête de l'entreprise. Cette lettre intervient 24 heures après la tenue d'une assemblée générale extraordinaire des travailleurs, au cours de laquelle le départ de ce responsable a été exigé, faute de quoi ils menacent d'occuper la rue. A peine nommé à la tête de Cnan-Nord, filiale de la Compagnie nationale algérienne de navigation (Cnan), le directeur général est fortement contesté par les travailleurs de l'entreprise, qui ont été très nombreux à prendre part, mardi dernier, à une assemblée générale extraordinaire. Durant ce regroupement auquel a appelé leur syndicat, les propos des uns et des autres à l'égard de leur premier responsable étaient virulents. Hissant des banderoles avec la mention «Dégage !», les travailleurs se sont majoritairement interrogés sur la désignation d'un des anciens cadres de la Cnan, nommé il y a quelques jours seulement à la tête de leur filiale. Le secrétaire général du syndicat, M. Khiri, a dénoncé «les agissements disproportionnés, l'acharnement, les pressions, les remarques désobligeantes, les propos dévalorisants que subissent quotidiennement les travailleurs», avant de donner la parole à une salle en colère qui a fustigé «l'habilitation accordée à la désignation du nouveau manager». Selon les travailleurs, les raisons de cette contestation sont «le parcours professionnel peu reluisant et entaché de poursuites judiciaires durant des années et de surcroît son passage en qualité de gestionnaire et actionnaire de la société Dario Maghreb appartenant à Dario Perioli». Pour les travailleurs, il y a incontestablement «une incohérence et un conflit d'intérêts dans la désignation du nouveau manager de Cnan-Nord». De ce fait, et afin «d'éviter tout dérapage allant à l'encontre des intérêts de l'entreprise», ils ont exigé «le départ pur et simple» du responsable. Le syndicat d'entreprise parle de «cri de détresse et de désarroi» et espère qu'il soit entendu par les autorités. Il est à signaler que le nouveau directeur général avait fait l'objet d'une poursuite judiciaire dans le cadre de l'affaire de la gestion du groupe Cnan et qu'il a été relaxé en première instance, avant que le dossier, après l'appel du parquet, ne revienne devant la cour il y a quelques jours et dont le verdict sera connu la semaine prochaine. L'une des décisions de l'assemblée générale des travailleurs a été de saisir le ministre des Transports par écrit. Dans cette lettre, les travailleurs ont commencé par revenir sur la situation du secteur du transport maritime en déclarant : «Presque une année déjà après l'installation du groupe, les filiales par manque de stratégie, de réflexion et de compétences managériales ont d'ores et déjà amorcé une dangereuse descente avec des conséquences irréversibles. La croissance refuse de décoller, si bien que les filiales du transport de marchandises ont plus de bateaux qu'ils ne peuvent en remplir, avec un quart de l'espace de chargement vide. Il serait sage de marquer une pause et faire un bilan des mauvais résultats et repartir sur des bases solides une fois tous les acteurs réunis pour offrir une réussite sûre au secteur maritime», ajoutant plus loin : «Malgré les plans de restructuration engagés par les pouvoirs publics, les objectifs sont bien loin d'être atteints.» Revenant sur la désignation de leur directeur général, ils soulignent : «Au moment de l'installation du nouveau directeur général en présence du président du groupe des transports maritimes, le syndicat de l'entreprise a manifesté sa volonté de coopérer étroitement et de conjuguer ses efforts avec l'ensemble des travailleurs pour relever les nombreux défis qu'impose la compétitivité. Or, il s'avère que de mauvaises intentions managériales se dévoilent et risquent de générer un conflit entre la direction générale et les travailleurs et dont les conséquences seront désastreuses pour le secteur maritime.» Plus grave, les auteurs de la lettre déclarent : «Nous sommes au regret de devoir vous informer que les travailleurs subissent quotidiennement des pressions, des remarques désobligeantes, des propos dévalorisants, les demandes contradictoires de la part du directeur général allant jusqu'à remettre en cause les acquis des travailleurs. Les différentes manœuvres d'intimidation, de ségrégation et de démoralisation pratiquées à l'encontre des travailleurs par la nouvelle direction reflètent l'absence d'un esprit de management et d'une feuille de route permettant d'impulser un nouvel élan pour atteindre les objectifs stratégiques souhaités en matière de transport maritimes.» Les travailleurs s'interrogent sur «les dessous du choix de la désignation du nouveau directeur général d'autant, précisent-ils, qu'il est poursuivi judiciairement pour avoir quitté volontairement le groupe Cnan pour aller travailler chez la concurrence sans pour autant oublier son passage de gestionnaire à l'agence Dario Maghreb. Ce qui constitue un conflit d'intérêts». Les signataires s'interrogent aussi sur «les dessous de la désignation d'un manager (…) qui a planifié et exécuté le plan de licenciement de centaines de travailleurs pour rejoindre l'entreprise Nolis (…) et qui, en qualité de président de la commission pour la vente du navire Serssou a pris part à une transaction dans des conditions douteuses (…) Qui est derrière cette nomination ? Qui en profite et qui sont les bénéficiaires ?» Les travailleurs demandent au ministre des Transports d'intervenir immédiatement pour mettre fin à cette situation qui nuit au secteur et remettre l'entreprise à flot. Ils attendent une réponse de l'autorité, faute de quoi, ils «menacent de passer à des actions de rue». Force est de constater que le secteur du transport maritime de marchandises vit de sérieux problèmes, même si les pouvoirs publics ont fait l'effort de renforcer la flotte nationale avec l'acquisition de sept navires sur les dix-huit commandés, et récupérer une part d'un marché contrôlé par des entreprises étrangères. Les nouvelles acquisitions sont souvent à l'arrêt, faute d'un personnel formé après le départ massif des anciens capitaines de la marine marchande à la retraite et vers des compagnies étrangères.