Que n'a-t-on pas écrit à propos des corsaires ? Qu'ils soient considérés comme des pirates sanguinaires ou des héros des mers, la légende et l'exagération l'emportent souvent sur les faits historiques. Il faut dire que la figure des raïs qui dominaient la Méditerranée a de quoi nourrir l'imaginaire. Des récits de captifs aux dessins animés en passant par les opéras de Rossini, les corsaires ne cessent de fasciner et d'inspirer. Mais qu'en est-il de leur réalité ? C'est la question à laquelle a tenté de répondre l'historien Ismet Touati dans une série de cours au Centre d'études diocésain des Glycines (Alger). Le conférencier, chercheur au CNRPAH et enseignant à l'université Abou Bakr Belkaïd de Tlemcen, a d'abord rappelé quelques définitions de base. Par exemple, la différence entre un pirate qui sévit en dehors des lois et du corsaire qui œuvre pour le compte d'un Etat. A l'aide d'une riche iconographie, Touati a également évoqué quelques grandes figures de corsaires algériens qui étaient de diverses origines (Albanie, Hollande, Majorque…), à l'image de Mourad Raïs ou Hussayn Mezzo Morto. S'ils étaient au service de l'Etat, les raïs avaient tout de même un pouvoir important. Après une première période (1520-1580) au service des Ottomans dans leur guerre contre les Habsbourg, la marine algérienne développera l'activité de la course qui marque l'autonomisation de la Régence d'Alger. La course connaîtra son apogée jusqu'à la moitié du XVIIe siècle. Avec des chiffres sur le nombre et la valeur des prises, Touati illustre le développement de cette activité fort lucrative. La course déclinera par la suite pour être remplacée par les exportations de blé au cours du XVIIIe siècle. Ayant consacré son doctorat à ce sujet (Paris IV Sorbonne en 2009), Ismet Touati a longuement développé les implications de cette exportation au plan économique mais aussi politique. Des traités de paix sont signés avec plusieurs pays européens, dont l'ennemi juré espagnol mettant fin à une «guerre de 300 ans» ! Après le siècle de la course, le siècle du blé se prolongera jusqu'à l'aube du XIXe siècle. Toutefois, la marine algérienne n'arrivera pas à se convertir en marine marchande et le blé était le plus souvent transporté par des bâtiments européens. A la faveur des guerres qui suivent la Révolution française en Europe, la course connaît un nouvel essor entre 1792 et 1815 avec une augmentation de 250%. Touati évoque également d'autres facteurs de ce «baroud d'honneur» de la course, à l'image de la sécheresse qui réduit les récoltes de blé. Le raïs Hamidou personnifie ce rebond de la course. Il est l'un des rares raïs algériens natifs d'Algérie. Ce fils de tisserand originaire des Issers a, selon l'expression de Salah Guemriche, renoncé à coudre pour en découdre. Il sera le dernier grand raïs algérien qui écumera la Méditerranée jusqu'en 1815. Un documentaire de 15 minutes sur Raïs Hamidou, réalisé par Mohammed Yahiaoui pour Canal Algérie, a été projeté à la fin de la conférence. Les communications d'Ismet Touati ont été organisées dans le cadre de «L'université pour tous» qui propose au grand public des cours sur diverses thématiques tous les jeudis et samedis. Informations : www.luniversitepourtous-alger.org