Fin de parcours pour la présidente sud-coréenne Park Geun-hye. La plus haute instance judiciaire de Corée du Sud a entériné hier sa destitution. La présidente Park Geun-hye a été ainsi emportée par un grand scandale de corruption qui a paralysé le pouvoir durant des mois. La décision unanime des juges de la Cour constitutionnelle signifie qu'une présidentielle anticipée doit être organisée sous 60 jours. Les candidats à sa succession peuvent d'ores et déjà déposer leur candidature à la présidentielle qui devrait avoir lieu le 9 mai, a annoncé la Commission électorale nationale. Dans les faits, Mme Park avait été destituée le 9 décembre par l'Assemblée nationale, qui lui reprochait sa complicité avec Mme Choi. Des millions de Sud-Coréens étaient descendus dans la rue pour réclamer son départ. Si Mme Park s'est excusée à de multiples reprises, elle a démenti toute malversation : «Je n'ai jamais recherché de profits personnels ou abusé de mon pouvoir de présidente.» Par sa décision, la justice coréenne vient de donner une grande leçon de démocratie aux peuples du monde entier. Mme Park, 65 ans, fille du dictateur militaire Park Chung-Hee, a été en 2012 la première femme à présider son pays. Elle devient le premier chef de l'Etat de Corée du Sud à être limogé de la sorte. Elle perd son immunité, ce qui l'expose à d'éventuelles poursuites judiciaires. Les agissements de Mme Park «ont porté gravement atteinte à l'esprit (...) de la démocratie et de l'Etat de droit», a déclaré la présidente de la Cour, Lee Jung-Mi : «La présidente Park Geun-hye (...) a été congédiée.» Ce scandale à tiroirs est centré sur la confidente secrète de Mme Park, Choi Soon-sil, elle-même jugée pour avoir soutiré des millions de dollars à de grands groupes industriels. Opposants comme partisans de la désormais ex-présidente sud-coréenne s'étaient rassemblés pour entendre le jugement. A quelques centaines de mètres, séparés par d'imposantes forces de police, les soutiens de Mme Park étaient sous le choc. Des échauffourées ont éclaté alors que les partisans de Mme Park tentaient de franchir les barricades de la police pour atteindre le tribunal. Les policiers — plus de 20 000 avaient été déployés dans la capitale — ont usé de gaz poivre pour tenter de ramener le calme. Deux manifestants sont morts, l'un apparemment lorsqu'un haut-parleur lui est tombé sur la tête, selon l'agence Yonhap. Pour éviter toute dérive, le Premier ministre sud-coréen Hwang Kyo-ahn, qui assume la fonction de président du pays par intérim, a appelé dans un discours télévisé l'ensemble de la population à respecter le jugement de la Cour constitutionnelle sur la destitution de l'ancienne présidente Park Geun-hye. D'après la Cour, Mme Park a enfreint la loi en permettant à son amie de se mêler des affaires de l'Etat, et elle a contrevenu aux règles de la Fonction publique. «Les violations par Mme Park de la Constitution et des lois ont trahi la confiance du peuple», dit l'arrêt. Ces agissements constituent «une violation grave et inacceptable de la loi». Le propre parti de Mme Park, Liberté Corée, a présenté ses excuses, son président par intérim estimant qu'il avait «échoué à protéger la dignité et la fierté de la Corée du Sud». La destitution de Mme Park intervient dans un contexte de grande tension régionale. Son successeur aura certainement à traiter avec le rival du Nord, dont les dernières provocations sont un défi pour la communauté internationale. La Chine, qui ne décolère pas face au déploiement en cours en Corée du Sud du bouclier antimissile américain Thaad, a pris une série de mesures considérées par Séoul comme des représailles. De son côté, Washington a indiqué que les Etats-Unis continueront «d'assurer tous leurs engagements avec l'alliance, surtout en ce qui concerne la défense face à la menace nord-coréenne». Aniss Zineddine