Les premières tueries de Mohamed Merah, en mars 2012, intervenaient pendant la campagne électorale. Cinq après, comment est vécue la situation sécuritaire ? Alors que la campagne électorale bat son plein, comme en 2012 au moment des crimes de Mohamed Merah, le risque d'attentats est pris très au sérieux par les services de sécurité. Que signifient sinon les interpellations régulières depuis quelques semaines dans les milieux djihadistes, des interpellations si nombreuses qu'on a du mal à en faire une liste exhaustive ? Est-ce à dire que les services de sécurité, à cran depuis les attentats de 2015 et 2016, craignent une action à la veille des élections présidentielle et législatives ? «Qu'un attentat terroriste islamiste de grande ampleur se déroule en France dans les trois mois à venir et tout peut basculer. Le scrutin, mais aussi les rapports entre les différentes communautés, surtout dans les banlieues actuellement sous tension», confiait Jean-Charles Brisard, spécialiste des réseaux djihadistes sur la chaîne publique France info. Rachid Kassim, l'un des combattants français de Daech qui a orienté les acteurs des attentats de 2016 (exécution des policiers de Magnanville, meurtre dans l'église de Saint-Etienne de Rouvray, etc.), a été exécuté par un drone en février, mais il avait régulièrement développé des consignes meurtrières dans tous les messages qu'il échangeait avec les djihadistes sur des réseaux internet comme Telegram. Kassim, qui dans ses discussions virtuelles demandait aussi d'attaquer l'Algérie «impie» (cité dans Le Monde le 16 février), est le troisième commanditaire français d'attentats à être visé par une frappe américaine, après Boubaker El Hakim, tué le 26 novembre 2016, et Salah-Eddine Gourmat, le 4 décembre, écrivait le journal du soir parisien. Au total, sur les quelque 230 combattants français de l'organisation Etat islamique (EI) morts en Irak et en Syrie, une petite dizaine a été ciblée par des frappes de la coalition, en majorité par l'armée américaine, en relation avec les autorités françaises au plus haut niveau. Si on ajoute aux milliers de personnes considérées comme radicalisées et les plus de 1000 Français et Françaises embringués en Irak et Syrie et dont on craint le retour, cela laisse mesurer le pas franchi depuis un certain mois de mars 2012. A Toulouse et Montauban, Mohamed Merah, à quelques semaines de l'élection présidentielle, ouvrait la longue liste des attentats terroristes. Le «tueur au scooter» assassinait sept personnes dont trois soldats parachutistes et trois écoliers et un enseignant dans une école juive, à Montauban et à Toulouse. Il sera ensuite abattu. Depuis, ce qu'on appelle en France le djihadisme a fait 238 morts, avec notamment les attaques de janvier 2015 à Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, le 13 novembre à Paris et Saint-Denis, du 14 juillet 2016 à Nice et du 26 juillet dans l'église de Saint-Etienne du Rouvray, parmi les plus marquantes. Samedi, pour commémorer les tueries de Mohamed Merah, le président François Hollande, qui n'était encore que candidat en mars 2012, a déclaré que «la démocratie sera toujours plus forte que la barbarie islamiste (…). La République, qui fait face à l'adversité, est capable de préserver son unité et son attachement à la liberté, et poursuivra inlassablement sa lutte contre le terrorisme.» La tour Eiffel visée La tâche est lourde. Une vingtaine d'attentats ont été empêchés depuis janvier 2016. Beaucoup de personnes interpellées alors qu'elles envisageaient le moyen de passer à l'acte sont des convertis. Dernier épisode, le 8 février, quatre personnes sont arrêtées dans la région de Montpellier. Trois hommes de 19 à 33 ans (dont un Algérien qui se fait appeler Abou Malik El djazaïri) et une jeune fille de 16 ans. Un des trois hommes, prénommé Thomas, vient des Ardennes. Il devait se marier avec la jeune fille et ils projetaient de s'en prendre à la Tour Eiffel, symbole s'il en est de la capitale française. La mairie de Paris a, du reste, décidé il y a quelques semaines de créer une paroi de verre pour entourer les pieds du monument pour canaliser le flot des visiteurs et empêcher toute attaque frontale. Les suspects, comme depuis l'affaire du groupe de femmes présumées prêtes à commettre un attentat à l'explosif à Notre-Dame de Paris, se rencontrent généralement sur internet et finissent un jour par se rapprocher. On se souvient que d'autres arrestations avaient été rendues publiques par les services de sécurité ces derniers mois. Le 20 novembre 2016, sept personnes ont été interpellées à Marseille et Strasbourg, agées de 29 à 37 ans. Il s'agissait de cinq Français, un Marocain et un Afghan. Ils projetaient, selon le ministre de l'Intérieur (aujourd'hui Premier ministre) Bernard Cazeneuve, de préparer «une action terroriste envisagée de longue date sur notre sol» le 1er décembre 2016. En septembre de la même année, le procureur de la République de Nice révélait que plusieurs attentats ont été déjoués contre des «lieux de culte, des rassemblements, des manifestations sportives, des stades et des écoles», après le camion meurtrier de la Promenade des Anglais qui a fait 86 morts le 14 juillet. Le 8 septembre 2016, les forces de l'ordre découvraient six bonbonnes de gaz et trois bouteilles de gasoil dans le coffre d'une berline aux abords de la cathédrale Notre-Dame à Paris. Téléguidées depuis la Syrie, trois jeunes femmes sont interpellées à Boussy-Saint-Antoine dans l'Essonne dans les jours qui suivent. Enfin, au début juillet 2016, un rapport rédigé par le député Sébastien Pietrasanta faisait état d'une dizaine d'attentats déjoués en un an. Auparavant, le 5 juin 2016, l'Ukraine annonçait avoir arrêté un ressortissant français qui projetait des attentats en France au cours de l'Euro de foot : Grégoire M., originaire de la Meuse, avait un important arsenal : deux lance-grenades antichars, 125 kg de TNT, cinq fusils kalachnikov ainsi que de munitions. Des armes furent aussi trouvées il y a un an à Argenteuil. Réda Kriket, Franco-algérien de 40 ans, est mis en examen. Enfin, le 16 mars, quatre femmes dont trois mineures sont arrêtées à Roubaix, Lyon et Brie-Comte-Robert. EIles préparaient des attaques contre une salle de concert, deux cafés et un centre commercial à Paris.