Aucun parti politique qui se respecte et qui croit à la volonté populaire comme seul moyen d'accès au pouvoir ne peut raisonnablement accepter de s'engager dans la course électorale pour les prochaines législatives face au jeu électoral trouble et biaisé que renvoie la scène politique dans cette conjoncture de pré-campagne. Il y a du masochisme dans l'attitude de la classe politique, celle se réclamant de l'opposition, dont la décision de participer au scrutin des législatives de mai prochain contraste étrangement avec le discours foncièrement pessimiste et les craintes exprimées quant à la régularité de ces élections. Une attitude qui a désarçonné le citoyen et l'électeur et conforté le camp des abstentionnistes. Quand on entend les déclarations enflammées des responsables des formations politiques dites de l'opposition dénoncer l'intrusion de l'argent sale dans la campagne électorale, qui a déjà commencé avec le marché informel des parrainages, s'insurger contre le triomphalisme avant l'heure du patron du Fln trahissant une fraude annoncée qui sera sans nul doute un thème majeur de campagne de l'opposition, beaucoup s'interrogent sur cette stratégie électorale suicidaire consistant à aller à l'abattoir les yeux ouverts. A quelque deux mois du scrutin, les réserves soulevées par les partis demeurent entières. Sur l'indépendance de la Commission de surveillance des élections qui ne s'est pas distinguée par un activisme particulièrement débordant dans cette conjoncture de pré-campagne, où il était attendu d'elle des signes forts pour gagner la confiance des partis et de l'opinion d'une manière générale, alors qu'il y avait matière à réagir et à brandir des cartons rouges à tout-va face aux dérapages constatés. Sur l'accès équitable aux médias lourds et principalement la Télévision publique et les 5 chaînes privées dotées d'un agrément excluant les autres chaînes qui devraient attendre leur hypothétique agrément après les élections, selon le ministre de la Communication, Hamid Grine, qui n'a pas fourni d'explication sur les raisons de ce délai que s'est accordé l'administration pour statuer sur ces chaînes. Il est difficile de ne pas voir dans ce manque d'empressement d'ouvrir ce dossier un lien direct avec les élections législatives. Imaginons ce que serait la campagne électorale avec des chaînes privées qu'il serait difficile de contrôler même avec un cahier des charges tatillon comme garde-fou. Plutôt que d'opter pour une solution aventureuse, le pouvoir a privilégié la voie la plus sûre, celle des chaînes qui ont reçu l'onction de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel. Ce qui ne signifie pas pour autant que leur contenu éditorial est un exemple parfait de respect des principes d'éthique et de déontologie. Qualifié avec une pointe de cynisme de premier parti en Algérie depuis les différents scrutins de ces dernières années à l'exception de l'élection présidentielle de 1994 qui avait porté au pouvoir Liamine Zeroual, le camp des abstentionnistes risque de voir ses rangs grossir au-delà des pronostics les plus pessimistes. Le parasitage de ce scrutin, dont on a déjà un avant-goût amer à travers l'opération des listes électorales entachée par l'argent sale, le recours à la violence qui s'est soldé par mort d'homme, jouent un effet repoussoir sur l'acte citoyen de voter. La détérioration du pouvoir d'achat et l'inquiétude des Algériens face aux retombées de la crise ne sont pas les meilleurs alliés du pouvoir pour appeler au vote massif.