Le président du MSP Bouguerra Soltani a (ré)enfilé jeudi au cours d'une réunion interne l'habit traditionnel du parti, celui d'une formation qui se situe ou prétend se situer dans l'opposition par rapport au pouvoir. Après avoir mis sous l'éteignoir ses revendications connues, gages de son entrée dans le gouvernement et de son ralliement à l'Alliance présidentielle, ce parti exhume ses vieilles doléances, dont notamment sa plaidoirie pour la levée de l'état d'urgence qu'il remet au goût du jour. Le premier responsable du MSP a dressé jeudi un tableau peu reluisant de la situation générale du pays, dénonçant, sans détour, les restrictions des libertés dans le pays, le fléau de la corruption, qui ronge le pays, en appelant à la levée de l'immunité pour les walis et les ministres impliqués dans des affaires de corruption. La réappropriation, en ce moment précis par le MSP, des espaces naturels qui fondent sa doctrine politique et idéologique visant la moralisation de la société, dont se nourrit le projet de société islamique qu'ambitionne de concrétiser un jour le parti, ne laissera sans nul doute pas indifférents ses partenaires de l'Alliance présidentielle. A la différence des deux autres partis, le FLN et le RND dont la proximité avec le pouvoir n'est pas conjoncturelle, étant par filiation des partis du pouvoir et du sérail, le MSP qui fait figure presque d'intrus au sein de l'Alliance présidentielle joue allégrement sur cette corde souple qui lui procure une liberté de manœuvre politique et de ton que ses deux autres partenaires ne possèdent pas. On l'aura tous compris, ce réveil brutal du MSP, qui se réinvente une âme d'opposant par rapport au pouvoir dont il fait paradoxalement partie, est justifié par les échéances électorales qui se profilent à l'horizon. Ce changement de cap ne peut pas être le résultat d'un désenchantement politique par rapport à son engagement au sein de l'Alliance présidentielle et à son soutien au programme de Bouteflika. Il est quand même bizarre que ce n'est qu'aujourd'hui – soit après un mandat présidentiel et à mi-chemin d'un second mandat – qu'il a puissamment soutenu que le MSP découvre que tout ne baigne pas dans l'huile dans le pays alors qu'il était, jusqu'ici, sur une autre position de soutien actif et inconditionnel du programme présidentiel et par conséquent du programme du gouvernement qui en est l'émanation ! Manifestement, le MSP est déjà entré en précampagne électorale. Le parti reprend, par petites touches, ses billes du jeu pour tenter de reconquérir son électorat. Et de réunifier la base du MSP déchirée, lorsque le choix de la participation au gouvernement s'était posé au parti entre les cohabitationnistes avec le pouvoir et les « souverainistes », les partisans de la ligne oppositionnelle par rapport au pouvoir.