Le Conseil français du culte musulman (CFCM) s'inquiète de la tournure que prend parfois la campagne présidentielle vis-à-vis des musulmans, particulièrement dans le camp de la droite et de l'extrême droite. Dans une lettre ouverte adressée aux candidats, l'institution, créée par les autorités publiques françaises pour faire le lien entre la République et les musulmans, le dit clairement, sous la plume de Abdallah Zekri, secrétaire général du CFCM et président de l'Observatoire contre l'islamophobie. Il estime «que les citoyens de confession musulmane qui vivent en France, électeurs ou non, sont de plus en plus au centre de (…) phrases ambiguës, voire dévastatrices pour le vivre-ensemble». Le responsable musulman met en cause «un contexte islamophobe sans précédent dans la sphère politico-médiatique», qui, selon lui, dure depuis plusieurs années. «Les citoyens français de confession musulmane se sentent régulièrement stigmatisés, dénigrés et de plus en plus discriminés dans tous les aspects de leur vie quotidienne». La confusion entre musulmans et terrorisme est une erreur politique Abdallah Zekri dénonce la fait que «les théories hasardeuses sur le rôle de l'islam dans la désagrégation de la République font des citoyens de confession musulmane les boucs émissaires du XXIe siècle». Cette mise en cause serait pour lui un rideau de fumée «pour se soustraire au vrai débat sur les effets de la mondialisation et sur l'échec des politiques publiques en matière d'accès à l'emploi, à la santé, au logement, à la culture et aux droits en général». Mieux encore, «vouloir résoudre au forceps la question du terrorisme par l'entretien de la confusion entre musulmans et terrorisme est une erreur politique». Faisant le lien avec les attentats attribués aux terroristes islamistes, sur lesquels se repose une partie de l'opinion publique et de dirigeants politiques pour dénigrer l'ensemble des musulmans, le secrétaire général du CFCM pense que c'est «vite oublier que dans le monde les musulmans sont les premières victimes du terrorisme et, d'autre part, c'est occulter que la quasi-totalité des Français de confession musulmane dénoncent et condamnent les actions terroristes qui se sont produites sur notre territoire. Les Français de confession musulmane n'ont rien en commun avec ces terroristes salafistes wahhabites imbibés d'une doctrine dévastatrice — faut-il le rappeler — assumée par des pays avec lesquels la France continue à entretenir des relations économiques privilégiées». Ainsi, pour Abdallah Zekri, les musulmans subissent en France «une triple peine : victimes des actions terroristes barbares au même titre que leurs concitoyens (lors du dernier attentat de Nice, trente-trois morts sur quatre-vingt-cinq étaient musulmans, soit plus d'un tiers, alors qu'ils représentent moins de 10% de la population nationale), victimes des discours officiels de plus en plus ouvertement anti-islam, victimes du traitement médiatique quasi exclusivement stigmatisant et flagellateur». «Pyromanes du microcosme politico-médiatique» Face à cela, il y a une idéologie mortifère contre laquelle il faut lutter pied à pied, mot à mot : «Les ennemis de la République sont parvenus à leurs fins : propager la mort, la haine, la division et l'opposition entre les citoyens français.» D'autant que les extrémistes qui portaient une parole de haine ne sont plus les seuls à s'exprimer avec une violence verbale de plus en plus courante et décomplexée, selon le terme en vigueur : «L'idéologie populiste nauséeuse à l'encontre des Français de confession musulmane était jusqu'à présent conduite principalement par l'extrême droite, mais la sphère politico-médiatique française et certains intellectuels l'ont reprise et propagée. Plutôt que de rassembler, unir et solidariser tous les enfants de la République dans le giron de la Marianne, les ‘‘pyromanes du microcosme politico-médiatique'' s'activent frénétiquement pour accroître l'anxiété des Français sur le dos de leurs compatriotes de confession musulmane et faire oublier les vrais problèmes de notre société qui nous touchent toutes et tous : chômage, précarité sociale, dégradation du service public, baisse du pouvoir d'achat, etc.». Ainsi, conclut M. Zekri, les musulmans de France «ne supportent plus de vivre humiliés et discriminés dans le pays des droits de l'homme, des libertés et de la démocratie. La laïcité leur assure la neutralité de l'Etat, la protection et la liberté de conscience et de pratique du culte. Pourtant, des pseudo-intellectuels et journalistes s'acharnent à faire de la laïcité un fer de lance pour mettre l'islam hors la loi». Ainsi, le CFCM souhaite recueillir auprès de tous les candidats leurs engagements à l'égard des intérêts spécifiques des musulmans, peut-être pour que les citoyens de confession musulmane votent en toute connaissance de cause. De façon à ce que le contact soit plus direct avec les candidats, le CFCM, présidé par Anouar Kbibech, a opté pour une rencontre avec les cinq principaux candidats. Des démarches sont en cours avec François Fillon, Emmanuel Macron, Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen.