La baisse des prix du pétrole n'est pas l'objet de la crise économique, mais son révélateur. Refuser cette évidence, c'est refuser la remise en cause d'un modèle économique obsolète basé sur la rente et la dépense budgétaire», estime l'expert financier Rachid Sekak. Invité hier par le Cercle du commerce et d'industrie algéro-espagnol, Rachid Sekak alerte sur l'urgence de la consolidation des finances publiques et la relance de la production et de l'exportation dans le secteur des hydrocarbures. «Pendant de nombreuses années, l'économie algérienne a bénéficié de ressources financières abondantes et pourtant l'Algérie n'a pas réalisé son potentiel de croissance à cause d'une intermédiation financière beaucoup plus faible que celle des autres pays de la région, mais aussi à cause de l'inefficacité de nos investissements publics.» Tel est le constat du conférencier qui plaide pour une libéralisation de l'investissement et des banques. «L'ajustement, et malgré la crise, n'a pas encore eu lieu. L'ajustement s'est limité à certains encadrements quantitatifs des importations de nature administrative… Au-delà de l'effet d'annonce de nature très superficielle, on observe une faible visibilité sur le programme de réformes structurelles attaché à un ‘‘nouveau modèle économique'' dont on ne voit pas les contours», souligne l'orateur avec chiffres à l'appui. La circulation monétaire en dehors du secteur bancaire est de l'ordre de 27% et représente 33% de la masse monétaire. «L'économie telle qu'elle est fait engraisser le marché informel», affirme l'analyste en notant que ce qui a été fait pour contenir les effets de la crise en 2014, en prenant plus en compte l'agenda politique et social, au détriment de l'impératif économique n'est plus de mise aujourd'hui. «Il ne serait pas raisonnable de rester sur une vision implicitement de court terme basée sur une anticipation de remontée prochaine des prix des hydrocarbures et sur la croyance d'une pérennité éternelle de nos réserves de change… Des marges de manœuvre continuent d'exister (les réserves de change, la faible dette extérieure et la faible dette publique interne), mais ne doivent surtout pas justifier le statu quo», affirme M. Sekak. Concernant les solutions immédiates, l'ex-directeur de la dette à la Banque d'Algérie et ancien directeur général de HSBC Algérie plaide pour une consolidation des dépenses publiques en passant par une maîtrise des dépenses courantes de l'Etat. «Ces dernières ont doublé entre 2009 et 2015, passant de 2300 milliards de dinars en 2009 à 4591 milliards de dinars en 2015… Les dépenses pour le personnel représentent 45% de ces dépenses courantes de l'Etat et 10% du PIB vont dans les salaires, c'est intenable», indique l'orateur en plaidant aussi pour une refonte progressive mais totale du système de protection des populations les plus vulnérables. L'analyste appelle également à «une meilleure collecte de l'impôt. La pression fiscale est essentiellement supportée par les salariés. Il est possible d'élargir les recettes budgétaires en améliorant le rendement de la fiscalité ordinaire, et ce, en réorientant la pression fiscale vers les biens et services». Sur la deuxième action urgente à entreprendre qui consiste en l'augmentation des capacités de production et d'exportation d'hydrocarbures, le conférencier estime que le changement à la tête de Sonatrach est une conséquence de l'effondrement des quantités exportées. «La valeur ajoutée locale du secteur des hydrocarbures a diminué de 30% entre 2006 et 2014. Il est impératif d'aller vers un accroissement de l'effort d'exploration et des volumes exportés avec une rationalisation de la consommation locale, qui est de l'ordre de 50% du pétrole produit et d'un tiers des 130 milliards de mètres cubes de gaz produits», ajoute M. Sekak, en rappelant qu'une large part des contrats actuels de vente de gaz arrivera à échéance en 2019. En termes de réformes structurelles, le conférencier appelle à une facilitation de l'acte d'investir pour qu'il soit plus attractif que l'acte de commercer. Dans le secteur bancaire, Rachid Sekak souligne qu'après avoir consommé toute son épargne, l'Algérie peut rester en déficit de ressources pour de nombreuses années, ce qui l'oblige à chercher de nouvelles ressources. «Il ne faut pas diaboliser la dette extérieure, ce n'est pas un choix, mais une nécessité. La ressource extérieure peut aussi venir des IDE, mais en revoyant la règle des 51/49% et en donnant accès au privé à la part du 51%», plaide cet analyste financier en appelant à avoir de la clarté et de la transparence dans la doctrine et le choix économiques.