N'est-il pas navrant ou même déprimant de recenser ça et là des dizaines, voire des centaines de cas de fièvre typhoïde ? Il est déjà heureux qu'il ne s'agisse pas de choléra. La période d'incubation de cette dernière est trois fois plus courte que celle de la première, soit 4 à 5 jours de latence ; ce qui ne donnait pas beaucoup de temps aux services de santé pour faire face aux vagues successives et rapprochées de malades. La diarrhée profuse emportait les malades bien souvent avant leur hospitalisation. Le manque de vigilance fait souvent oublier au jeune corps médical inexpérimenté que cette maladie débute par une forte fièvre, comme son nom le suggère. Le contrôle de l'eau de boisson, obligation constitutionnelle, ne semble pas avoir les faveurs du secteur de l'hydraulique en charge de cette mission. Ce seront les collectivités locales et le secteur de la santé qui subiront tout le poids de ces flambées épidémiques. Les éventuelles et tragiques pertes en vies humaines seront consignées sur le registre de la fatalité ou l'inconséquence. Les maladies à transmission hydrique appelées par contraction MTH, sont-elles devenues un sort inéluctable, jeté à notre urbanité ? Il est cependant curieux de constater que la campagne est épargnée par rapport à la ville qui, pourtant, bénéficie des attributs de modernité que sont les réseaux d'approvisionnement en eau potable et de l'assainissement. Ces équipements ambitionnent de la prémunir du risque fécal à l'origine de ces maladies. De caractères estival et sporadique jadis, elles sont devenues endémiques. Il est observé depuis peu que les flambées de fièvres typhoïdes et autres sont massives et paradoxalement urbaines. La topographie de l'infection se cantonne souvent dans un groupement de population limité : cités, quartiers ou lotissements périphériques. Ceci serait dû à la diversification des sources d'approvisionnement, ce qui est une chance en soit. Il est rare de trouver des cas disséminés à travers l'ensemble de l'espace urbain. Le lien de causalité est toujours retrouvé a posteriori et la proximité vectorielle établie, sauf quand il s'agit d'une distribution d'eau ambulante. L'éclosion du foyer est toujours en aval du point de contamination de l'eau distribuée. L'enquête rétrospective retrouvera souvent un remaniement du sol pour diverses raisons : raccordements domestiques, travaux de réparation de réseaux d'eau potable ou d'assainissement, passage d'engins lourds. Il suffit que les deux réseaux se côtoient ou s'entre-croisent et subissent une quelconque dégradation pour que l'intégrité de l'un ou de l'autre devienne permissive. L'échange entre les deux milieux est, dans ce cas, inévitable. C'est à ce moment précis que le gestionnaire de l'ouvrage doit anticiper et prendre toutes les mesures pour faire conserver à chacun des réseaux, son intégrité. Cette opération devra être impérativement suivie par une technicité avérée ou, du moins, supervisée dans sa phase finale, avant le comblement de la fosse qui a abrité les travaux. Deux hypothèses peuvent être avancées dans ce cas de figure : 1) Travaux de réparation ou de réhabilitation effectués dans les règles de l'art : évacuation des eaux usées, vérification de l'étanchéité des joints, réparation des brisures et lessivage au lait de chaux. Les risques de contamination seraient, dans cette variante, nuls ou minimisés. 2/ Bricolage : jointage au béton de ciment ou colmatage avec des lambeaux de pneumatique et comblement précipité sans contrôle technique. Les risques seront majorés par l'intervention intempestive, elle-même. La situation sera d'autant plus grave, si l'eau n'est distribuée que de manière intermittente. La vacuité de la conduite pendant les coupures peut créer un phénomène d'aspiration des eaux usées laissées à proximité du joint, non étanche ou de la fêlure de celle-ci. Nos tendances de modernisation seraient-elles en opposition avec l'archaïsme qui sommeille en chacun de nous ? Un de mes anciens collègues du ministère de la Santé me confiait un jour qu'au milieu des années 1980, sur l'ensemble du territoire national, une seule wilaya n'était pas touchée par les maladies à transmission hydrique. Donnant ma langue au chat, il m'apprenait qu'il s'agissait d'Illizi qui ne disposait pas encore de réseau d'assainissement. La fosse septique traditionnelle serait-elle moins nocive que le réseau moderne, de par son caractère unitaire et limité ? Ou bien avons-nous occulté la rigueur requise dans la maintenance de l'ouvrage moderne ? Par ailleurs, la désinfection de l'eau potable, qui est passée depuis longtemps dans les mœurs, souffre de lacunes qu'il faudra combler à brève échéance. Il nous est loisible d'en citer quelques-unes : Le matériel de chloration (javellisateur) est parfois confié au seul gardien du réservoir d'eau, d'où le risque de défaut d'entretien et un arrêt prolongé du fonctionnement. La chloration n'est souvent pas en rapport avec le débit distribué. L'eau de javel livrée par certains commerces est mal dosée ou carrément inefficiente. Le personnel en charge de la javellisation n'est pas doté de comparateur, simple appareil permettant le calcul du taux de chlore dans l'eau. (A suivre)