Samir Hadj Ali , Expert-comptable La loi n° 15-20 du 30 décembre 2015 a modifié et complété l'ordonnance n° 75-59 du 26 septembre 1975, portant code du commerce, en permettant sous un nouvel article, le 567 bis, l'apport en industrie. Si cette forme d'apport présente des avantages, sa mise en œuvre impose des précautions. Ce qu'est l'apport en industrie : Il s'agit d'un apport immatériel basé sur l'engagement du (ou des) associés qui en sont les apporteurs, de consacrer tout ou partie de leurs activités aux affaires de la société. Sans verser dans un contrat de travail, ces associés apportent leur expérience, leur maîtrise technique d'une discipline ou d'un métier donné. Selon l'apporteur et le contexte, l'apport peut même concerner le talent ou la notoriété de l'associé apporteur. L'apport en industrie consiste donc en une prestation immatérielle qui est déjà prévue par le code civil algérien sous son article 416 qui traite du contrat de société. Il est ainsi défini sous cet article que : ‘La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes physiques ou morales conviennent à contribuer à une activité commune, par la prestation d'apports en industrie, en nature ou en numéraire, dans le but de partager le bénéfice qui pourra en résulter, de réaliser une économie ou, encore, de viser un objectif d'intérêt économique commun.' Bien que l'inclusion de l'apport en industrie parmi les formes d'apports, pour la constitution de sociétés ait été établie en 19881, à l'occasion de l'amendement de la première version du code civil algérien, il aura fallu attendre quarante ans pour que le code de commerce algérien soit amendé à l'effet de permettre l'apport en industrie, et seulement pour la société à responsabilité limitée (SARL). La loi n° 15-20 du 30 décembre 2015 a, en effet, complété l'ordonnance n° 75-59 du 26 septembre 1975 portant code du commerce, en introduisant un nouvel article 567 bis, qui stipule que : ‘L'apport en société à responsabilité limitée peut être en industrie. L'évaluation de sa valeur et la fixation de la part qu'il génère dans les bénéfices, sont fixées dans les statuts de la société. Cet apport n'entre pas dans la composition du capital de la société.' Cette modification est une profonde mutation en matière de droit des apports en société, car l'ancienne rédaction de l'article 567 prévoyait, pour les SARL, que les parts sociales devaient être souscrites en totalité par les associés et intégralement libérées, qu'elles représentent des apports en nature ou en numéraire et qu'elles ne pouvaient pas représenter des apports en industrie. Sans modification de l'exigence de la libération des parts sociales correspondant à des apports en nature, la nouvelle rédaction de l'article 567 emprunte aux sociétés par action, le mode de libération progressif pour les apports en numéraires, en permettant la libération minimale d'au moins un cinquième (1/5) des apports en numéraire avec un délai ne pouvant excéder cinq (5) ans, à compter de l'immatriculation de la société au registre du commerce, pour la libération du surplus, en une ou plusieurs fois sur décision du gérant. Le nouvel article 567 bis permet ainsi l'apport en industrie qui confère à l'apporteur la qualité d'associé sans que celui-ci n'investisse dans le capital social, mais tout simplement sur un engagement de contribution aux projets de la société, de manière immatérielle. L'avantage d'une telle formule est de permettre à des partenaires qui n'ont pas les moyens de participer au capital d'une SARL, ou qui souhaitent en être dispensés, de participer aux bénéfices de la société en considération de leur contribution à développer, un produit, un métier, un réseau commercial ou tout autre vecteur de développement qui favorise la genèse de profits. Un autre avantage est de permettre aux apporteurs en industrie, qui ne souhaitent pas être liés à la société par un contrat de travail, d'avoir une position d'associé, pour autant que leur contribution au développement puisse être mesurée, pour être rétribuée par les résultats. Les précautions à prendre Parce qu'il présente un caractère immatériel et que dans la plupart des cas il est adossé à un engagement de réalisation future et progressive, il importe de bien ancrer l'engagement de l'associé apporteur en industrie pour garantir que l'objet de l'apport soit réalisé dans la forme et les termes promis. Si les statuts doivent obligatoirement préciser l'évaluation de la valeur de l'apport en industrie et la fixation de la part qu'il génère dans les bénéfices, il importe également d'y prévoir l'engagement de l'associé, apporteur en industrie, pour qu'il en assure l'exclusivité au profit de la société bénéficiaire, comme une sorte de clause de non-concurrence. Il importe ainsi aux associés de s'accorder sur ce que l'associé, apporteur en industrie, peut continuer à exercer comme activités, en dehors de celles qui constituent l'apport en industrie lui-même. De même qu'en considération du caractère immatériel et non immédiat de l'apport, il peut importer aux associés de trouver une entente sur la mesure de la corrélation entre l'apport et les résultats attendus. Si par exemple, le développement d'un réseau commercial est convenu comme apport en industrie, la référence à des indicateurs de croissance peut permettre de définir la part de résultat revenant à l'associé, apporteur en industrie, selon la performance convenue. C'est très souvent dans le plan d'affaires que les prévisions mettent en œuvre la combinaison des ressources disponibles, tant en capital social qu'en ressources financières externes, mais également celle du capital humain que représente le capital en industrie, au cas où le savoir-faire constitue le principal vecteur de réussite d'une nouvelle affaire. C'est dire combien la vision des associés sur leur projet doit être clairement définie et combien il importe de préciser le mode tant opératoire que de gouvernance de ce modèle de contribution, car l'associé, apporteur en industrie, sans concourir au capital social, détient toutefois des parts, d'une nature spécifique qui consacrent des droits sociaux, comme le droit au partage des bénéfices et aux votes en assemblées générales, A défaut de porter des précisions aux statuts, il importe de clarifier les points d'entente dans un pacte d'associés, qui sans être opposable aux tiers, lie les associés et peut servir en cas de désaccord. Tel pourrait être également le cas du traitement de la dilution de l'apporteur en industrie, qui à l'occasion de l'augmentation du capital social, pourrait se faire attribuer des parts supplémentaires avec droits de partage de bénéfices, pour que les titulaires du capital social ne prennent pas la majorité des parts initialement convenues. En résumé, il est important que les associés listent les droits et obligations de l'associé apporteur en industrie et qu'ils conviennent des modalités d'évaluation, autant à l'entrée de cet associé qu'au cours de la vie sociale. C'est pourquoi, qu'entre autres de précautions à prendre, les associés doivent avoir une entente clairement exprimée sur l'évaluation de l'apport en industrie qui reste délicate et dans certains cas complexe. L'évaluation de l'apport en industrie est délicate. C'est parce qu'elle dépend du secteur d'activité de la société, mais surtout des composants de l'apport en industrie, de sa durée et de son impact attendu sur les résultats de la société, que cette évaluation est délicate. Selon qu'elle comporte des éléments liés au savoir-faire de l'associé, apporteur en industrie, à ses connaissances techniques, voire à sa reconnaissance de place dans le secteur d'activité de la société, l'évaluation sera toujours délicate à conduire, dès lors qu'il s'agit d'attribuer une valeur à un ensemble d'éléments immatériels. Comme le code de commerce n'a pas prévu que les commissaires aux apports soient désignés pour l'évaluation de l'apport en industrie, les associés peuvent apprécier librement la valorisation à accorder à un apport en industrie. Cependant, rien n'empêche que les associés recourent à de tels professionnels qui intègrent, le plus souvent dans leur démarche, la méthode des comparables qui consiste à estimer ce que la société aurait à dépenser pour obtenir le même service ou avantage que celui procuré par l'apport en industrie. L'évaluation de l'apport en industrie gagne en fiabilité, si elle est engagée avec une certaine périodicité, surtout lorsqu'il est question que l'associé, apporteur en industrie, participe aux résultats dans la durée. La périodicité de ces évaluations est d'autant plus nécessaire lorsque le résultat s'avère être une perte, car dans ce cas l'apporteur peut en supporter l'impact, comme il est prévu au code civil, même si le statut de la société concernée est à responsabilité limitée. Pour l'associé, apporteur en industrie, la contribution aux pertes se manifestera par la perte de la part de résultat qu'il devait recevoir à raison de son activité.
(1) Loi 88-14 du 03 mai 1988 modifiant et complétant l'ordonnance 75-58 du 26/09/1975 portant code civil. - Art. 563 bis 1– (Décret législatif n° 93-08 du 25 avril 1993)Les associés commandités ont le statut des associés en nom collectif. Les associés commanditaires répondent des dettes sociales seulement à concurrence du montant de leur apport, celui-ci ne peut être un apport en industrie. - Art 596 – (décret législatif n° 93-08 du 25 avril 1993) Le capital doit être intégralement souscrit. Les actions en numéraire sont libérées, lors de la souscription, d'un quart au moins de leur valeur nominale. La libération du surplus intervient en une ou plusieurs fois sur décision du conseil d'administration ou du directoire, selon le cas, dans un délai qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'immatriculation de la société au registre de commerce. Il ne peut être dérogé à cette règle que par une disposition législative expresse. Les actions d'apports en nature sont intégralement libérées dès leur émission.