Il est pour le moins troublant que le gros pavé lancé dans la mare du pouvoir par l'ancien chef de gouvernement, Mokdad Sifi, révélant la pratique institutionnelle à grande échelle de la fraude électorale lors des élections législatives de 1997 au profit du Rnd (Rassemblement national démocratique), n'ait suscité aucune réaction ni du parti d'Ahmed Ouyahia ni du gouvernement et de l'administration. C'est dire combien ce phénomène, qui a pris ces dernières décades une ampleur qui rappelle pour certains les élections à la Naegelen de sinistre mémoire, s'est banalisé et ne choque plus. Le plus important n'est pas tant de savoir pourquoi de hauts responsables du rang de chef de gouvernement et avant lui l'ancien wali, celui d'Oran, Bachir Frik, n'ont pas soulagé leur conscience plus tôt, lorsqu'ils étaient aux affaires, en prenant leurs responsabilités ; le carriérisme est une maladie orpheline bien installée dans nos mœurs politiques. Mais, c'est la reconnaissance, de l'intérieur même du système, par de grands commis de l'Etat, de l'usage de la fraude en tant que choix programmatique de gouvernement qui préoccupe le plus. De tels aveux «autorisés» confortent le discrédit jeté sur les différents scrutins de ces dernières années par l'opposition qui qualifie d'illégitimes les institutions en place à tous les niveaux. Le silence officiel observé sur ces graves accusations pose le problème de la légalité des institutions élues et de l'arsenal législatif voté par le Parlement dont l'élection fut entachée de fraude organisée et programmée, comme l'admettent aujourd'hui de hauts responsables gagnés par le regret ou mus par d'autres considérations. Cela signifie que les lois régissant la vie publique votées à l'ombre de la fraude sont caduques et que le pays baigne outrageusement dans un paysage institutionnel dominé par le règne de l'informel et du détournement de la volonté populaire. Face à cette agitation, le citoyen, l'électeur ne font que découvrir un peu plus la face hideuse d'un système qui sait désormais que l'histoire et la vérité finiront toujours par rattraper ses actes antidémocratiques. Au moment où les pouvoirs publics redoublent d'efforts et d'imagination pour inciter les électeurs à se rendre massivement aux urnes, le moins que l'on puisse dire est que ces nouvelles révélations sur la fraude ne manqueront pas de laisser des traces dans les consciences. On voudrait saborder délibérément les prochaines élections que l'on ne s'y prendrait pas autrement. Tous les ingrédients sont là en effet réunis pour faire le lit de l'abstention : le spectacle affligeant qu'offrent les partis, notamment ceux se réclamant du pouvoir, qui usent de pratiques déloyales et de l'arrogance pour plier le scrutin avant l'heure. La question lancinante de l'égalité des partis et des candidats quant à l'accès aux médias lourds ne devra pas faire exception à la règle cette fois-ci également quand on voit comment se prépare officiellement la campagne électorale dans les médias. Les échos qui parviennent sur le financement de la campagne électorale et l'utilisation des moyens de l'Etat par les partis inféodés au pouvoir ne plaident pas non plus pour une compétition saine et loyale. La fraude ne se niche pas uniquement dans l'urne et l'isoloir. Elle déploie ses tentacules en amont : avant, pendant et après le scrutin.