Les révélations fracassantes sur Chourouk TV de l'ancien wali d'Oran, Bachir Frik, sur la fraude institutionnelle ont choqué l'opinion démocratique. Non pas que l'Algérien découvre aujourd'hui seulement, au détour de ces confidences intimes d'un haut cadre de l'Etat, que la fraude électorale est inscrite dans les gènes du pouvoir algérien ! Le phénomène a connu, au cours des scrutins successifs, une telle amplitude qu'on parle désormais, presque avec une certaine banalisation dans le propos, du «parti de la fraude» consacré comme le premier parti en Algérie. Le président Bouteflika n'avait-il pas lui-même reconnu ce viol légalisé des urnes en qualifiant toutes les élections qui ont eu lieu dans le pays, depuis l'indépendance, «d'élections à la Naegelen» ? L'ancien wali d'Oran a, durant la première partie de l'entretien, expliqué le mode d'emploi de la fraude et de la manipulation électorales en abordant deux périodes déterminantes de la vie politique nationale : les élections législatives avortées de décembre 1991 et l'élection présidentielle de 1995. Avec un sang-froid à couper le souffle et sans laisser transparaître aucun remord d'avoir participé de quelque manière que ce soit au détournement des voix du peuple, il assume ses actes et assure avoir agi par conviction, «pour l'intérêt supérieur du pays». Aucun commentaire, dans ce premier jet de l'entretien, sur les conditions dans lesquelles Bouteflika a été élu depuis 1999 ; des conditions marquées, de l'avis de nombreux observateurs, par une fraude généralisée. Même s'il est amené à relativiser les choses dans la seconde partie de l'entretien programmée pour ce mardi, par manque de courage politique ou pour ménager le clan Bouteflika, il aura tout dit sur le visage hideux de la fraude électorale en tant qu'outil politique d'accaparement du pouvoir par une caste et de perpétuation du système. Qu'est-ce qui a changé aujourd'hui dans la nature du régime pour espérer que le réflexe inné chez nos dirigeants de la pratique de la fraude ne soit plus qu'un mauvais souvenir à reléguer au rebut de l'histoire ? Rien. Les cinq candidats qui vont affronter le 17 avril Bouteflika, le candidat du système, ont certainement dû méditer profondément l'aveu de Bachir Frik sur le trucage électoral. Leur mobilisation et détermination de ne pas se laisser conter cette fois-ci, comme l'affirme avec force notamment M. Benflis qui a menacé de ne pas se taire en cas de dérapage, suffit-il pour mettre hors d'état de nuire la fraude et les fraudeurs ? Parce que la machine de la fraude au profit du candidat du système est bien huilée, comme cela a été toujours démontré, il faudra bien plus que les 60 000 superviseurs que promet d'injecter Benflis dans les bureaux de vote pour venir à bout de ce mal institutionnel et incurable. En termes d'occupation du terrain, c'est une goutte d'eau devant l'omniprésence tentaculaire des agents actifs de la fraude à tous les niveaux. Les procédés grossiers de la fraude vont céder la place à un mode opératoire plus élaboré et scientifique. L'élément nouveau, avec le scrutin du 17 avril, reste toutefois cette forte opposition au 4e mandat de Bouteflika qui s'est exprimée à travers plusieurs wilayas du pays et au niveau de notre communauté à l'étranger. Ajoutée aux éléments structurants de la crise du système, toute tentation de fraude ne pourra qu'aggraver encore davantage les choses et plonger le pays dans le chaos.