Les routes algériennes sont parmi les plus meurtrières au monde. En plus des dégâts humains qu'elles causent, elles ont induit un important déficit chez les compagnies d'assurances. Faut-il revoir les tarifs de l'assurance automobile ? Les avis sont partagés. L'Union des assureurs et des réassureurs UAR et le Conseil national des assurances (CNA) a fait de la revendication de la révision du tarif - obligatoire - de l'assurance automobile un véritable cheval de bataille. Les assureurs s'étonnent du fait que l'Etat fixe un tarif pour l'assurance automobile de la même manière que pour le prix du pain ou celui du lait. L'un des fervents partisans de la révision des tarifs n'est autre que M. Amara Latrous, le P-DG de la compagnie SAA qui détient la plus grande part du marché. Il explique, pour appuyer sa démarche, " qu'à chaque fois qu'une compagnie encaisse en assurance automobile obligatoire 100 DA de primes, elle paye en conséquence 215 DA au titre de l'indemnisation des sinistres ". La prime moyenne de l'assurance obligatoire automobile représente aujourd'hui, affirme-t-il encore, la contrepartie de 10 euros par an. " Il n'y a pas, à ma connaissance, un pays dans le monde où un client paye seulement 10 euros pour l'assurance automobile obligatoire couvrant les risques d'une année ", s'étonne M. Latrous. En Algérie, le coût moyen d'une prime d'assurance est de l'ordre de 10 à 12 euros alors qu'en Tunisie il est de 60 euros, selon les estimations de Jean-Paul Roux, directeur de Salama Assurances, filiale de Al-Baraka Oua Al-Aman. Pour le patron de la Saa, le déficit est tel que seuls les gains des autres branches permettent aux compagnies de couvrir les déficits de l'assurance automobile obligatoire. " En 2005, nous avons réalisé un résultat de 700 millions DA mais on aurait pu faire mieux si ce n'était la forte sinistralité automobile qui se traduit annuellement par un volume d'indemnisation de l'ordre de 6 milliards de DA. Le secrétaire du Conseil national des assurances, M. Messaoudi, plaide, lui aussi, pour la révision des tarifs. Il avait proposé une révision du tarif RC automobile dès 2001. Sa suggestion consistait à réviser non seulement les niveaux de primes mais aussi la structure interne de la grille de tarification. Mais à l'époque, les autorités ont préféré rester " prudentes " et prendre plus de temps pour réfléchir sur d'autres aspects qui pourraient interférer sur une décision d'augmentation. Mais aujourd'hui, l'appel des assureurs semble être entendu. Pour cause, l'on a demandé au CNA de " réexaminer " sa proposition de libéraliser le tarif RC " dans une certaine mesure ". L'avis du ministère des Finances reste néanmoins nuancé. Selon le directeur des assurances au ministère des Finances, M. Hadj Mohamed Seba, " les tarifs ne sont pas les seuls responsables du déficit ". Il en veut pour preuve le fait que les augmentations tarifaires initiées dans les années 90 ont été immédiatement absorbées par les coûts et que les compagnies se sont retrouvées dans l'année qui a suivi l'augmentation dans des déficits. Le mal se situe en premier lieu dans l'expertise, puisque c'est toujours l'expert qui détermine le coût que subit la compagnie d'assurance. " Nous avons constaté, a indiqué M. Seba, que cette sphère dégageait des insuffisances en termes d'organisation et de modalités de fonctionnement qui faisaient que les compagnies d'assurance subissaient des surcoûts cachés et qui se reproduisaient d'année en année ". L'autre facteur est lié est celui de la gestion du portefeuille automobile. Les compagnies d'assurance n'avaient pas une bonne visibilité sur la qualité de chaque assuré. " Il existe des assurés qui déclarent des accidents plusieurs fois par an et les entreprises n'avaient pas les moyens de vérifier l'authenticité de ces faits et de distinguer les assurés ", soutient M. Seba. Et d'ajouter : " Dans la logique de ce programme, nous avons décidé d'abord de traiter ces frais de surcoûts et une fois la réorganisation achevée, nous procéderons à une augmentation tarifaire de telle manière à permettre à cette révision d'aboutir à un rééquilibrage financier ". Même si les professionnels estiment que le niveau de la prime en Algérie est " un des plus bas au monde " y compris en comparant avec les pays voisins, les citoyens (interrogés lors de micro-trottoir dans un débat organisé par l'hebdomadaire " Le point économique ") considèrent que l'assurance " coûte trop cher ".