Rencontré en marge des journées France-Algérie des céréales, tenues la semaine dernière à Alger, Bernard Sargis, DG du groupe Epis-Centre, producteur de blé, tendre et dur, présent sur le marché algérien depuis plusieurs années, et disposant d'un bureau à Alger, a bien voulu répondre à nos questionnements relatifs au marché des céréales, et dont l'Algérie est connue pour être l'un des gros consommateurs dans le monde. Qu'est-ce qui explique la hausse des prix des céréales ces dernières années ? Plusieurs facteurs expliquent cette hausse. Le premier, c'est qu'il y a moins de production et plus de consommation. Avec la croissance démographique en Algérie ou partout ailleurs dans le monde, veut dire qu'il y a plus de consommateurs. Il y a moins de production, parce qu'il des changements climatiques qui sont importants dans leurs effets. Donc cette année, il y a eu des sécheresses notamment en Australie, des accidents climatiques aux Etats-Unis et en Europe aussi. Nous avons quand même produit 8 millions de tonnes de moins de céréales en Europe que l'année précédente. Tout cela a fait que nous avons étés obligé de déstocker pour approvisionner le marché. Ce qui est vrai pour le pétrole l'est malheureusement aussi aujourd'hui pour les céréales. Un autre phénomène à souligner, est celui de la forte augmentation de la consommation pour les non alimentaires. Aux Etats-Unis et même en Europe, on transforme des céréales en alcool donc en carburants. Est-ce pour pallier à la hausse des prix du pétrole ? Oui et non. Non, parce qu'il y a des enjeux de protection de la planète. Les émissions de gaz à effet de serre induites notamment par les émissions de camions et voitures doivent être fortement réduites. C'est une obligation et une vraie motivation écologique. Ce n'est pas un prétexte. Nous avons commencé à investir dans les biocarburants depuis 1992, et à l'époque, nous ne nous imaginions pas que les prix du pétrole allaient atteindre ce niveau là. Oui, parce que plus le pétrole est cher, et plus il y a une rentabilité à transformer de l'amidon en alcool. Plus le pétrole est cher, et plus nous sommes incité à investir dans des carburants de substitution. Est-ce cela voudrait dire que plus le pétrole est cher, nous payerons la facture alimentaire plus cher ? Je pense que ce n'est pas tout à fait vrai, parce qu'il y a une réponse des producteurs qui vont augmenter leurs productions. Nous avons commencé à augmenter les superficies, à reprendre la recherche sur les variétés plus productives et à ne pas sacrifier la demande alimentaire par rapport à la demande industrielle. Je ne pense pas qu'il y aura besoin d'un arbitrage entre les besoins alimentaires et les besoins industriels. Nous avons la capacité d'augmenter la production. Certes, il y a des phases d'ajustement comme celle que l'on connaît aujourd'hui, mais elle due à la baisse de production. Nous devons réfléchir à une politique de stock régulateur plus importante comme l'avait fait l'Europe en son temps au moment de la politique agricole commune. Sur quels leviers comptez vous compter pour concurrencer d'autres fournisseurs de blé à l'Algérie ? Avec les augmentations du prix du pétrole, les frets ont beaucoup augmenté, donc le transport des marchandises devient cher. Ce qui veut dire que la proximité est très importante. Ensuite, il y a la sécurité sanitaire. Nous avons mis en place des procédures de traçabilité qui nous permettent de savoir exactement comment sont fait les traitements nécessaires. Nous avons une sécurité sanitaire de production complète et qui répond aux attentes de la demande du consommateur algérien. La France par rapport à la Russie ou à l'Ukraine ou même à l‘Australie est un petit pays, avec des structures de production moins importantes. Donc, il est plus facile pour un agriculteur de savoir ce qu'il met dans tel champ ou tel endroit, etc. Aussi, et c'est très important, nous avons une informatisation beaucoup plus poussée que d'autres pays, et qui permet justement cette traçabilité. Ensuite, il y a logistique. Pour faire de la traçabilité et réellement suivre le produit, il faut être capable de l'isoler, d'abord à la ferme ensuite dans les silos, durant le transport et même dans le port. Et pour ce faire, seuls des pays, entre guillemets très développés, et qui ont une tradition de production céréalière ancienne peuvent le faire. Les autres pays vont arriver certes, mais nous avons un peu d'avance. Le marché algérien est pour nous très important. L'Algérie est pour nous de part la tradition, mais surtout de part nos intérêts communs, le partenaire le plus important hors Union européenne pour la France. Moi je l'ai toujours dis, pour la France, il y a deux grands pays qui comptent : l'Italie et l'Algérie. Pour notre groupe, l'Algérie est notre premier client. Aujourd'hui, il s'importe en Algérie aux environs de 3 millions de tonnes de blé (tendre et dur), et nous nous exportons vers ce pays environ 500.000 tonnes de blé. L'Algérie est l'un des plus gros importateurs de céréales dans le monde, malgré une population relativement modeste, avec un peu plus de 30 millions d'habitants…. Je pense que cela est du sans doute à des efforts insuffisants en terme de production. Nous devons réfléchir avec les algériens sur le comment de relancer la production. C'est choquant de savoir qu'il n' y a pas eu renouvellement de semences en Algérie. Il faut faire déjà des efforts sur les semences, sur la production de semences, sur la capacité à avoir de nouvelles variétés et à les développer et les mettre en culture. Après, il faut songer aux structures d'exploitation. Les plaines existent, il faut des structures agricoles, des apports techniques etc. Et moi je suis prêt à aider dans ce sens.