Etre ou ne pas être, paraître ou ne pas paraître, s'engager ou plier. Telle est toute la question pour les candidates qui ont choisi de se dévoiler au grand jour et qui estiment que l'engagement féminin en politique rehausse le débat et le recentre bien au contraire sur le projet de société du pays. C'est du moins l'avis de Fatima Sendid, femme d'affaires et première tête de liste féminine de tous les temps au sud du pays roulant pour le parti El Moustakbal à Hassi Messaoud et qui affiche, elle, une tête blonde et un tailleur immaculé, le sourire aux lèvres au moment où l'opinion publique nationale s'enflamme à propos des visages cachés de candidates aux législatives, notamment sur les listes venant des wilayas du sud. Briser la glace Promoteur immobilier de la capitale du pétrole, une coupe à la garçonne, maçon le matin, épouse et mère de famille dévouée le soir, elle n'en revient pas de recevoir toutes les marques de sympathie dans les coins les plus reculés, les plus conservateurs et les moins ouverts aux femmes dans la wilaya de Ouargla. «C'est en sillonnant les vingt-et-une communes que j'ai compris le message de mon père, un Flniste d'avant-garde qui m'a assuré de son soutien indéfectible après deux refus injustifiés de ma candidature au sein de ce parti familial». Dans chaque village visité, des citoyens curieux de voir l'unique femme tête de liste ont parlé avec amertume de déception, de mensonge et de revirement des députés sortants. Une femme ? Pourquoi pas ? Comme au sein de son foyer, elle saura mener à bout un projet pour certains, elle est soucieuse des détails pour les autres, elle est rarement traîtresse et moins menteuse pour d'autres, y compris dans l'ancienne génération qui y voient bien au contraire «un bon augure». Ces impressions se traduiront-elles en voix le jour J. Fatima y croit visiblement.
Cherchez la femme Née dans une famille révolutionnaire dans l'oasis d'El Ménéa il y a tout juste un demi-siècle, Fatima Sendid croit aussi en la politique comme outil de changement. Un mélange d'entrepreneuriat calculé de par sa profession et d'optimisme presque naïf né, selon elle, «d'une vie passée au milieu des gens modestes de Hassi Messaoud qui ne m'ont pas vu naître mais où j'ai passé toute mon enfance et dont la situation actuelle me révolte». Insoumise, battante, destinée à une vie ordinaire avec d'abord un poste d'administrateur à l'OPGI, Fatima a toujours voulu vivre autrement, vivre aussi pour les autres. Elle a décidé de se lancer dans les affaires en s'associant avec son frère pour faire fructifier une modeste promotion immobilière qui a vite gagné des galons, réalisant près de 400 logements à travers la wilaya de Ouargla et elle s'intéresse particulièrement aux jeunes qu'elle parraine pour des formation et des postes d'emploi. Discrète sur ce point, le chômage des jeunes des zones pétrolières est une offense inadmissible pour elle. C'est un dossier qui prime dans sa campagne électorale et sa future mission de députée. Mère de trois grands enfants, elle n'a jamais cédé aux pressions d'une société machiste qui voyait mal une femme évoluer dans le monde du bâtiment. «J'ai appris mon métier en fouinant et je me suis découvert des qualités qui me permettent à présent de diriger deux sociétés, l'une en Algérie et l'autre aux Emirats arabes avec mon frère.» Mais qu'est-ce qui peut bien motiver cette femme d'affaires en politique ? Fatima n'y va pas par quatre chemins. Pour elle, un mandat de députée, ce seront cinq années destinées à lever le gel sur la ville de Hassi Messaoud. Car Fatima estime que «la décision de bloquer l'évolution du cœur battant de l'Algérie par simple décret est arbitraire, au moment où Skikda et Arzew qui ont enregistré des incidents mortels évoluent normalement». Fatima veut donc œuvrer pour un changement de statut de la capitale du pétrole qui, à son avis, «doit être reconnue en tant que telle et devenir un vrai pôle économique et non pas un champ pétrolier d'où on pompe le pétrole sans se soucier de l'impact écologique et social». L'autre combat de Fatima est de mettre la population de Hassi Messaoud au centre d'intérêt des pouvoirs publics, «car ils sont les premiers concernés par la création de la ville nouvelle à 90 km et par la délocalisation à laquelle ils n'ont jamais été associés». Troisième sujet au cœur de la campagne de la candidate, l'amélioration de la condition féminine : «J'estime que la femme n'a pas la place qui lui sied, notamment dans notre région où le conservatisme et souvent l'ignorance et la bêtise ne permettent pas aux filles de s'épanouir.» Pour cette entrepreneure qui s'estime heureuse d'avoir bénéficié d'une éducation et d'un appui familial exceptionnels, «il faut repenser nos villes autrement en introduisant de vraies infrastructures de bien-être et de formation des jeunes filles, à commencer par des salles de sport, des espaces d'échange et de création, des garderies d'enfants, etc.». Pour ce faire, c'est une réorientation des projets de développement qui doit être proposée au gouvernement. Or, «la décentralisation n'est pas au rendez-vous et les politiques de développement adaptées aux spécificités régionales doivent être débattues au Parlement», affirme la candidate.