A l'Assemblée populaire nationale, l'école incarne «l'hypocrisie» des députés de la majorité et représente un fonds de commerce inépuisable pour les islamistes. Cette assemblée empêche les quelques voix défendant une école républicaine de qualité d'être entendues. Car, même si officiellement la réforme de l'éducation fait partie du programme du président de la République, les députés issus du Front de libération nationale (FLN), qui constituent la majorité dans cette assemblée, ne se sont pas vraiment impliqués dans la campagne, sans merci, engagée par les députés de formations islamistes, visant le programme de réforme de l'éducation. «Nous n'avons pas beaucoup entendu les députés de la majorité s'exprimer sur la réforme de l'école ni défendre le projet de Mme Benghabrit», fait remarquer Boualem Amoura. L'opinion publique garde le souvenir d'une ministre attaquée de tous bords sur toutes les décisions prises, dans le cadre de la réforme de l'éducation, qui est encadrée par la loi d'orientation de l'éducation de 2008. «Hormis les députés de la formation de Mme Hanoune et un soutien plutôt timide du parti d'Ouyahia, l'APN n'a pas représenté ceux qui défendent le projet de la réforme de l'école», constate le président du Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation (Satef). Pourtant, il ne se passe pas une semaine, où la ministre de l'Education n'est pas interrogée par les députés du courant conservateur, lui demandant des explications sur la moindre décision interne au département. Mme Benghabrit, faut-il le rappeler, a essuyé une campagne virulente lors du lancement, en septembre dernier, de la deuxième génération des programmes de réforme. Les détracteurs à la ministre ont fait feu de tout bois contre la moindre erreur constatée sur les manuels, et ce, pour jeter le discrédit sur le chantier de la réforme engagé depuis quelques années et ayant pour objectif de réhabiliter la référence nationale dans les programmes et visant une «algérianisation» du contenu. Les députés issus des formations islamistes, comme Hassane Aribi du Front pour la justice et le développement, n'ont raté aucune occasion au niveau de l'assemblée et ont profité de toutes les tribunes pour semer le doute sur les motivations de cette réforme. Armés d'intox ayant nourri les colonnes de médias partisans de ces partis, la ministre de l'Education a été ciblée et a été contrainte de revoir certaines décisions. C'est le cas, par exemple, de la refonte du baccalauréat. Alors que toute la communauté éducative a convenu de la nécessité de remédier au statut généraliste du bac, qui doit passer impérativement par le réaménagement des coefficients et la suppression de certaines matières secondaires, il a suffi aux détracteurs de la ministre de faire circuler des informations infondées concernant une prétendue décision de supprimer les sciences islamiques du baccalauréat pour faire échouer le projet. Entre auditions à l'APN et dénonciations à travers les médias, le gouvernement a dû trancher en faveur du report du projet de réforme du baccalauréat. La ministre n'a bénéficié que du soutien timide de quelques députés du PT et du RND concernant la réforme du primaire avec l'accès aux langues maternelles, tout comme la restructuration du préscolaire et des écoles coraniques. Ceux du FLN se sont pour la plupart rangés aux côtés des islamistes, même si le parti défend théoriquement le programme du président de la République. «L'école est embrigadée entre la récupération politicienne et l'idéologie des islamistes», résume M. Amoura. Pour Messaoud Amraoui, syndicaliste de l'Unpef et candidat aux législatives, «l'assemblée actuelle a démontré combien elle est en déphasage avec les aspirations de la société et les préoccupations réelles des Algériens». Comme l'Unpef, plusieurs syndicats ont fourni des candidats aux législatives pour porter la voie du changement, concernant les questions liées à l'éducation. «Nous voulons transmettre les préoccupations des enseignants concernant les questions pédagogiques avec un regard d'expert, loin de toute récupération politicienne», explique le candidat déterminé à combler le vide au niveau de l'assemblée, relatif à la défense des préoccupations socioprofessionnelles des travailleurs.