Avec l'admission du Vietnam, l'Organisation mondiale du commerce compte désormais 150 membres. Il y a eu, enfin, consensus au conseil général de l'institution, pour mettre fin à l'interminable attente, qui aura duré onze ans, marquée par les multiples tractations et reculs d'échéances en usage dans les pourparlers bilatéraux. Et, sauf surprise de dernière minute, a priori exclue, l'adhésion sera formelle à la fin de l'année en cours. Après avoir vécu sous le régime économique ultra-pur et dur du dirigisme communiste, le Vietnam s'en est spectaculairement détaché pour emprunter définitivement le chemin qui mène vers l'économie de marché et ce dès 1986 sous le signe du « Doi Moi » (Renouveau). De fait, ce sont les Etats-Unis qui constituaient le dernier obstacle au feu vert qui a finalement été levé à la suite d'un accord conclu entre les deux pays aux termes duquel leurs échanges passent de 1,5 à 7 milliards de dollars en trois ans et aussi la levée de l'exigence américaine relative aux « clauses sociales ». De plus, le Vietnam a dû donner suite aux demandes américaines, beaucoup plus draconiennes que celles des autres pays. Parmi les concessions acquises, celles concernant les secteurs des télécommunications, des finances et de la distribution comptent au nombre des plus significatives. Pour les premiers, le nouveau venu compte en ralentir les effets grâce à la « réussite commerciale d'un opérateur détenu par l'armée vietnamienne » qui pourrait faire front à l'incursion des firmes étrangères. Le secteur financier connaîtra une libéralisation qui permettra aux banques étrangères d'être majoritaires dans leur capital. Curieusement, c'est le domaine de la distribution qui semble être l'enjeu le plus convoité. Dans l'esprit des Vietnamiens, il ne comptait pas au nombre des activités porteuses de forte valeur ajoutée et n'attirerait donc pas beaucoup d'investisseurs étrangers. Le groupe de distribution américain Wal-Mart sera sans doute parmi les pionniers à activer dans un marché déjà animé par un réel boom de la consommation. Une première brèche : la pratique de la franchise vient d'être légalisée Des concessions consenties traduites concrètement dans les réformes, le Vietnam s'est doté d'un arsenal législatif libéral qui se poursuivra encore, de sorte à permettre une réelle ouverture de son marché intérieur. Ainsi, il en sera fini avec l'octroi de subventions à certains secteurs sinistrés, aux barrières dans l'agriculture, à la production industrielle, aux services, au contrôle des prix, de même que seront privatisées de nombreuses entreprises étatiques et que sera assurée la protection de la propriété intellectuelle. Les réformes concerneront également l'assouplissement des procédures administratives et de la fiscalité. Les droits de douane seront plafonnés à 35% au maximum selon un calendrier qui s'échelonne jusqu'en 2014. Le tout sous la veille de la loi protectrice des investissements. Un vrai cyclone économique qui souffle déjà et poursuivra ses bouleversements sur le dernier bastion du marxisme- léninisme. Le Vietnam se présente à la porte de l'OMC avec un C.V. qui affiche des données en mesure de le rendre attractif pour les IDE : croissance : 8,4% ; population : 84 millions d'habitants, dont la moitié a moins de 30 ans ; revenu par habitant : 638 dollars ; taux d'inflation : 7,50% ; principaux clients : Etats-Unis, Japon, Chine, Australie, Allemagne, Grande- Bretagne, France ; principaux fournisseurs : Chine, Taïwan, Japon, Singapour, Corée du Sud, Etats-Unis, Allemagne ; deuxième producteur mondial de riz et de café et grand exportateur de textile. En affichant une croissance aussi élevée et l'émergence assurée d'une société de consommation, un tissu industriel lourd quasiment inexistant et des infrastructures à mettre en place …, le Vietnam devient une destination sûre pour les investissements tout en constituant pour les opérateurs économiques une excellente alternative à la Chine « jugée parfois trop tentaculaire ». Avec un contenu de plusieurs centaines de pages, l'accord avec l'OMC fera date dans l'histoire de l'institution genevoise.