Si le 8 Mai 1945 symbolise dans la mémoire collective des Européens, et celle des Français en particulier, la célébration de la victoire des alliés contre le nazisme hitlérien, en Algérie la mémoire collective retiendra le massacre de milliers de civils musulmans, perpétré par l'armée coloniale française, suppléée par des milices à Sétif, Kherrata et Guelma. Le colloque international sur les massacres du 8 Mai 1945, organisé par l'université 8 Mai 1945 de Guelma, n'est pas près de s'essouffler. Bien au contraire, dimanche 7 mai, a eu lieu sa 14e édition internationale consécutive sous le thème : «Les crimes du 8 mai 1945 dans les littératures algérienne et étrangères». En effet, si le 8 Mai 1945 symbolise dans la mémoire collective des Européens, et celle des Français en particulier, la célébration de la victoire des alliés contre le nazisme hitlérien, en Algérie la mémoire collective retiendra le massacre de milliers de civils musulmans perpétré par l'armée coloniale française, suppléée par des milices à Sétif, Kherrata et Guelma. Elle a aussi été déterminante pour la suite des événements. «Si les massacres du 8 Mai 1945 n'avaient pas eu lieu, il est fort probable que la guerre de Libération nationale aurait pris beaucoup de retard, et avec moins de hargne qu'elle ne l'a été réellement !» s'accordent à dire à l'unisson auditeurs et conférenciers lors de ce colloque. La problématique de cette édition vise à répondre à la question suivante : entre 1945 et 2017, quelle est la nature des écrits historiques en Algérie, mais également à l'étranger en rapport avec les crimes de la France coloniale de mai 1945 ? «Très très peu de thèses de doctorat ont été soutenues dans cet axe par les chercheurs binationaux (franco-algériens) et encore moins par les chercheurs français. Les massacres du 8 Mai 1945 en Algérie n'existent pas dans les manuels scolaires en France», nous déclare, en marge du colloque, Nadjid Achour, enseignant et docteur à l'université Paris 7, pour avoir soutenu une thèse sur les Oulémas de 1940 à 1954 à Constantine. Et de poursuivre : «Je peux vous assurer que la jeune génération issue de l'immigration et les binationaux sont traumatisés et choqués lorsqu'ils apprennent ce qu'a fait la France en Algérie le 8 mai 1945.» Et de conclure : «Les nationalistes algériens retiennent deux dates importantes dans l'histoire de l'Algérie : la célébration du centenaire de l'Algérie française qui les a fait réagir avec la constitution de l'association des Oulémas et l'implantation des cellules du parti de Messali Hadj, et la deuxième date importante, ce sont les massacres du 8 Mai 1945. Cette rupture a conduit à en finir avec les questions d'assimilation et la préparation de la lutte armée. La jeunesse algérienne s'étant radicalisée avec une forte perception du 8 mai 45.» Pour le professeur Ahmed Echerbiny, enseignant d'histoire à l'université du Caire, le retentissement du 8 mai 1945 en Algérie n'est pas resté sans échos en Egypte : «Les historiens égyptiens ont très vite saisi l'événement du 8 Mai 1945, dont Salah Edakal, qui s'est intéressé à la cause algérienne avec plus de trois thèses, plus précisément dans l'histoire du mouvement nationaliste algérien. Bien qu'il ait été un doctorant des écoles françaises, l'influence idéologique de l'époque ne l'a pas influencé, manifestement, jusqu'à conclure qu'il ya eu crime contre l'humanité par l'armée française en Algérie. Il faut dire aussi qu'il y a eu des manifestations dans les rues du Caire contre les exactions commises.» Si la lecture de l'histoire du nationalisme et du 8 Mai 1945 en Algérie n'est pas passée sous silence pour certains historiens, elle l'a été au Portugal. «Le Portugal est un très grand empire colonial. Son passé est enseigné dans toutes les universités du pays, mais aussi en Espagne. Le 8 Mai 1945 en Algérie est un événement important du XXe siècle», tient à souligner à El Watan Terresa Cierco, professeure d'histoire et relation internationale à l'université de Porto (Portugal), en marge du colloque. Et celle-ci de conclure : «Cependant, cet événement est passé sous silence au Portugal. Il ne figure pas dans les manuels scolaires et d'études. Et aucune thèse, me semble-t-il, n'a été publiée en ce sens.» Nous l'aurons compris, comme le confirme notre interlocutrice : «Les ex-empires coloniaux refoulent leur passé.» Notons enfin que des enseignants d'histoire des universités de Guelma et Mila ont activement contribué à ce colloque, assorti d'un débat avec les étudiants en histoire.