Les ministres des Affaires étrangères des pays voisins de la Libye (le groupe réunit l'Algérie, l'Egypte, le Niger, le Tchad, le Soudan et la Tunisie) ont saisi l'opportunité de la tenue de leur 11e réunion, hier à Alger, pour rééditer leur appel en faveur d'un règlement politique de la crise libyenne et leur rejet catégorique de toute intervention militaire étrangère dans ce pays ravagé par la guerre civile depuis le renversement du régime de Mouammar El Gueddafi, en 2011. Plusieurs intervenants ont dénoncé les ingérences étrangères qui, selon eux, ont pour conséquence de retarder le règlement de la crise. C'est, par exemple, le discours tenu par le ministre nigérien des Affaires étrangères, Ibrahim Yacoubou, qui a rappelé que la crise libyenne est porteuse de graves dangers autant pour le Maghreb que pour le Sahel. Pour lui, il est important que tout le monde respecte l'agenda mis en place par l'Onu pour mettre fin aux luttes fratricides qui opposent les différentes régions libyennes et promouvoir un dialogue libyen inclusif. Le point de vue du chef de la diplomatie nigérienne a été partagé par le ministre libyen des Affaires étrangères du gouvernement d'union nationale (GNA), Mohamed El Tahar Hamouda Siala, présent à cette réunion organisée sous l'égide de l'ONU et dont l'ordre du jour est d'évaluer la situation en Libye. «La crise libyenne n'est pas aussi complexe qu'on peut le penser. Si elle a tendance à perdurer, c'est parce qu'il y a des ingérences et un jeu malsain des médias», a-t-il indiqué. M. Siala s'est refusé toutefois à désigner les parties responsables de ces ingérences. Dans leur déclaration finale rendue publique à l'issue des travaux de leur rencontre, les ministres des Affaires étrangères des pays voisins de la Libye ont souligné qu'«une issue salutaire et durable à la crise qui affecte ce pays frère et voisin ne peut être trouvée qu'à travers la solution politique que les Libyens ont choisie en signant l'accord politique du 17 décembre 2015, qui a reçu le soutien de la communauté internationale (…)». Autrement dit, il n'est pas question pour eux de jeter aux orties cet accord politique, comme le demandait pendant longtemps le maréchal Haftar, le commandant de l'armée libyenne. Tous les représentants des pays voisins de la Libye ont rappelé d'ailleurs que l'accord en question doit rester le cadre privilégié pour le règlement de la crise, même s'ils admettent tous qu'il est nécessaire qu'il subisse quelques amendements. Redonner l'espoir A l'occasion, les représentants des pays voisins de la Libye «se sont félicités que la majorité des parties libyennes aient identifié les réaménagements à introduire à l'accord politique, qu'elles jugent nécessaires pour promouvoir une meilleure application consensuelle de ses dispositions». L'allusion est faite, ici, à l'accord de principe trouvé, le 2 mai à Abu Dhabi, par Fayez El Sarraj, le Premier ministre libyen, et le maréchal Khalifa Hafar pour réviser l'accord en question de telle sorte à le rendre davantage opérant. L'amendement de l'accord politique libyen devrait permettre de faire une place à Khalifa Haftar et à son armée dans l'édifice institutionnel libyen. Des sources soutiennent que la nouvelle mouture de l'accord — sur laquelle planche actuellement une commission mixte — pourrait être adoptée par les deux parties la semaine prochaine au Caire. Dans un discours prononcé à l'ouverture de la réunion, le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU, Martin Kobler, a indiqué que ce développement est de nature à redonner espoir aux Libyens, surtout que le pays est encore «travaillé par des dynamiques négatives». Des dynamiques, a-t-il dit, qui risquent de compromettre les acquis engrangés depuis la mise en place du gouvernement d'union nationale, cela notamment dans le cas où aucune avancée allant dans le sens d'une consolidation de la paix n'est enregistrée à moyen terme. Comme pour mettre Tripoli et Tobrouk face à leurs responsabilités, M. Kobler a averti que «la Libye n'a pas les moyens de maintenir un vide politique et institutionnel». «Un tel vide laisserait le champ libre aux perturbateurs et aux groupes terroristes et ouvrirait la porte à l'instabilité et au chaos», a-t-il encore insisté. Le ministre algérien des Affaire maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue des Etats arabes, Abdelkader Messahel, a mis en avant, pour sa part, l'attachement des pays voisins de la Libye au rétablissement de la stabilité et de l'unité de ce pays frère à travers le dialogue inclusif libo-libyen, affirmant que «l'Algérie est au service de la paix et ne recherche pas la gloire». «Cela ne relève pas de notre culture ni de notre politique», a-t-il insisté. Une réponse sans aucun doute à ce membre de la Chambre des représentants libyens qui l'avait accusé dimanche de s'être ingéré dans les affaires internes de la Libye en se rendant dans le Fezzan. A ce propos, A. Messahel a précisé qu'il avait reçu l'aval des autorités libyennes pour visiter certaines localités du Sud libyen.