Le 4 mai dernier a été une véritable autodétermination citoyenne.» C'est une des phrases lâchées hier lors de la conférence de presse animée au siège de son parti à Ben Aknoun, Alger, par un Ali Benflis conforté dans le choix d'avoir appelé au boycott des dernières élections législatives. Devant un parterre de journalistes et de militants de son parti, le président de Talaïe El Houriat affirme que désormais «le plus grand parti de l'opposition c'est le peuple algérien». «Il en est sorti vainqueur.» Sans les revendiquer, et en ayant «la modestie de ne pas pouvoir définir le poids de sa formation dans la société», Ali Benflis se dit être «du côté du peuple algérien». Selon lui, «le 4 mai 2017 sera retenu comme le grand moment d'un éveil patriotique et d'un sursaut citoyen». «De manière pacifique, de manière civilisée, de manière civique et d'une manière confondante de finesse, d'élégance et d'intelligence, près des trois quarts des électeurs ont fait savoir au régime politique en place qu'ils ne croyaient plus en lui, qu'ils ne lui faisaient plus confiance et qu'ils n'étaient pas dupes de ses engagements non assumés et de ses promesses non tenues.» «Près des trois quarts des électeurs, enchaîne le conférencier, ont fait savoir au régime politique en place qu'il a échoué sur toute la ligne et qu'ils le tenaient pour le premier responsable de la situation désastreuse dans laquelle se trouve notre pays politiquement, économiquement et socialement.» En un mot, «le 4 mai 2017, tranchera le président de Talaïe El Houriat, a été la date d'une réappropriation de la citoyenneté par près des trois quarts des électeurs et d'une expression de leur volonté d'être des artisans de la construction de leur destin». Sans nul doute, pour lui, «l'abstention des trois quarts de l'électorat, c'est un coup de tonnerre dans le ciel déjà si lourd de notre pays». «Qu'osera dire le régime politique en place maintenant ? Osera-t-il encore dire à cette écrasante majorité du peuple algérien qu'elle est composée de traîtres à leur patrie, de valets de l'étranger, de mauvais musulmans ou encore de ‘‘hraïmia'' ?» s'est interrogé Ali Benflis, qui a rappelé toutes les accusations proférées par les responsables de l'Etat à l'égard de ceux qui ont pris le choix d'appeler au boycott des élections législatives. «Le boycott ou la non-participation aux élections ont fait, dira-t-il, perdre au régime politique en place et à ceux qui ont parlé en son nom, à cette occasion, tout sens de la mesure, tout sens de la retenue et tout sens des convenances et du respect dus à des citoyens libres dans leur pays et seuls maîtres de tous leurs choix.» «L'abstention a eu des effets ravageurs sur ce scrutin», a estimé Ali Benflis pour qui les «abstentionnistes ont formé le parti le plus puissant et le plus représentatif du pays avec 15 millions d'adhérents». «Si ce parti pouvait être représenté, il aurait pourvu l'intégralité des sièges de la future Assemblée, il aurait formé le gouvernement à lui seul et il aurait disposé de la majorité plus que qualifiée pour réécrire la Constitution comme il le veut», a commenté le président de Talaie El Houriat qui critique le ministère régalien qu'est celui de l'Intérieur et le Conseil constitutionnel qui se sont télescopés dans la présentation des chiffres. Où sont passés les 350 000 bulletins nuls soustrait des 2 millions ? s'est interrogé Ali Benflis. Le président de Talaie El Houriat ne s'arrête pas là, à ce stade de l'analyse. «Le parti (FLN, ndlr) arrivé en tête du scrutin n'a recueilli que 7% de l'électorat. Le parti arrivé en deuxième position (RND) n'a obtenu quant à lui que 4% de l'électorat», a soutenu le conférencier en soulignant qu'«à elles deux, ces deux formations totalisent un peu plus de 11% du corps électoral». «Pourtant, avertit-il, ce sont elles qui gouverneront, qui feront les lois et prétendront parler et agir au nom du peuple algérien dont les électeurs leur ont refusé leurs suffrages à plus de 89%.» Affirmant que cette nouvelle situation a changé totalement la situation politique dans le pays, Ali Benflis appelle à l'ouverture d'un débat au sein de l'opposition. «Nous ne voulons pas qu'il y ait une explosion dans le pays», affirme encore une fois le président de Talaie El Houriat, qui revendique «une transition démocratique graduelle, pacifique et apaisée».